A
vant, Charlotte adorait filmer ses tutoriels de maquillage pour sa chaîne Youtube. Même dans la chambre d’hôpital où sa mère était soignée par chimiothérapie, l’adolescente trouvait le moyen d’installer sa caméra et d’utiliser pinceaux et fards. Mais, tout a changé depuis que Sylvain, la boule tentaculaire rongeant le sein maternel, l’a emporté sur les traitements, malgré son surnom ridicule. Profondément attristée, Charlotte doit faire face à la puberté qui modifie son corps, aux regards des autres et à ses premiers émois amoureux. Sa meilleure amie lui apporte du réconfort, tandis que sa sœur aînée, Romane, et son père, également déboussolés, partagent sa peine et cherchent à reprendre pied dans la béance laissée par leur perte.
Après avoir évoqué la problématique du harcèlement et de ses conséquences dans Bruits de couloirs, Lucie Albrecht revient avec un deuxième album qui explore le deuil. Le récit que l’autrice construit se révèle à la fois fort et d’une grande finesse. Axé sur le vécu de la famille, il alterne entre le point de vue de la plus jeune, présenté à la manière d’un journal intime ou d’une préparation écrite pour un vlog, et des séquences dialoguées qui montrent les ressentis des filles et de leur papa. L’histoire avance ainsi, en révélant les failles, la détresse, les peurs, ainsi que la colère et la difficile acceptation de la situation. Symboliquement incarné, le cancer – Sylvain – et le mal qu’il a répandu hante les protagonistes, tandis que Charlotte trouve du réconfort dans le souvenir de sa maman et de ses paroles apaisantes. Que ce soient la crise de l’adolescence, l’entrée dans la puberté, l’annonce d’un déménagement, la perspective de se montrer en maillot devant ses camarades de classe ou la projection dans l’avenir – études, nouvelle activité, amours naissantes -, chaque élément s’avère pertinent et traité avec justesse, rendant les protagonistes particulièrement proches et touchants.
Sobre, le dessin, à la gouache, se décline en nuances de gris, de noir et de blanc. Peu marqué sur les contours, il capte, dans un style semi-réaliste, l’intensité des émotions et rend palpable ce flottement dans l’hébétude qui frappe les survivants lors d’un décès. En quelques cases, chaque planche parvient à capter l’attention et à dire l’essentiel, sans fioritures ni complaisance. Par ailleurs, les passages plus oniriques transmettent avec adresse les différentes phases que traversent les personnages, notamment quand la personnification tentaculaire du cancer envahit les pensées de l’adolescente.
Album marquant, Sylvain raconte le deuil, l’amitié et l’importance des liens familiaux avec beaucoup de sensibilité et d’empathie. À lire.
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