A
u milieu du XVIIe siècle, le baron de Sigognac, noble désargenté, tombe amoureux d’Isabelle, une comédienne. La troupe de la jolie jeune femme le recrute pour écrire et réécrire des pièces. Il finira néanmoins par monter sur les planches, sous le nom de Capitaine Fracasse. La chose n’est pas commune pour un homme de condition. Dans cette bande dessinée adaptée d’un roman de Théophile Gauthier, les péripéties se multiplient, sur la scène et dans la vie : combats, complots, enlèvements et, par-dessus tout, rivalités galantes. En fin bretteur, le héros gagne évidemment toujours ses duels. La transposition du récit de cape et d’épée a été publiée par Delcourt entre 2008 et 2010, la présente intégrale reprend les trois tomes.
Mathieu Mariolle a su extraire la substantifique moelle du classique de la littérature. Les dialogues conservent toute leur truculence, mais se révèlent par moments abondants ; les phylactères font alors de l’embonpoint et les polices de caractère apparaissent microscopiques. Le bédéphile risque du reste d’être déboussolé par la multiplication des termes surannés, de références à la mythologie, de tournures de phrases surprenantes, sans oublier les temps de verbe l’invitant à réviser son Bescherelle. Au final, force est toutefois d’admettre que l’auteur a préservé le ton de l’intrigue, tout en assurant la lisibilité du texte.
Le projet cultive par ailleurs son allure de feuilleton aux improbables rebondissements. L’histoire est cousue de fil blanc et la conclusion plutôt ringarde ; Disney ne ferait pas mieux.
Kyko Duarte propose d’agréables illustrations. Ses décors sont soignés et ses personnages semi-caricaturaux éminemment expressifs. Dans cet univers, les jouvencelles, merveilleusement belles, affichent avec arrogance d’audacieux décolletés, les vilains présentent un air fourbe, les gentils ressemblent à des Dieux et la plèbe, généralement édentée, n’a pas très bonne mine. Les scènes d’action sont bien construites et le découpage est nerveux. De petites lignes témoignent de la vivacité des acteurs ; pour peu le lecteur croirait découvrir un manga. Les dessins prenant souvent la forme de clairs-obscurs, leur colorisation en demi-teintes rappelle habilement l’esprit de ces époques où les gens s’éclairaient à la chandelle.
Une sympathique adaptation. En un peu moins de deux heures, le lycéen, découragé par les six cents pages du bouquin, pourra dire : « Capitaine Fracasse, cela va de soi que je l’ai lu, grand-papa, tu veux qu’on en discute ? ».
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