« Il y a des hommes, mon enfant, qui sèment les ruines et la peine sans même un soupçon de gêne.»
Le 6 juillet 2013, un train de la Montreal, Maine & Atlantic, composé de soixante-douze voitures chargées d’un pétrole hautement inflammable, explose à Lac-Mégantic, un village du sud du Québec. Quarante-sept morts, le cœur de la bourgade est pulvérisé. La tragédie est la résultante d’une série de maladresses en apparence anodines : un one crew man n’a pas actionné suffisamment de freins sur les wagons, puis les pompiers responsables d’avoir coupé le moteur de la dernière locomotive en marche, privant ainsi les freins pneumatiques d’une arrivée d’air pourtant essentielle à leur fonctionnement. En amont, se trouvent toutefois des effectifs restreints, des infrastructures négligées, des formulaires trafiqués et des politiciens complaisants.
C’est ce que raconte Anne-Marie Saint-Cercy. Se décrivant comme autrice, recherchiste et militante, elle met l’événement en perspective. Elle rappelle qu’il ne constitue qu’un exemple parmi d’autres, elle évoque notamment l’accident chimique de Bhopal, en Inde, en 1984. L’autrice fait du coup le procès d’un capitalisme insensible et s’interroge sur le bien-fondé d’un libéralisme débridé favorisant l’autoréglementation. Mégantic un train dans la nuit demeure certes un pamphlet, mais il n’est pas que cela. L'écrivaine adopte le juste ton, quelque part entre le journalisme et l’activisme sociopolitique. Elle s’extrait du drame pour remettre en question le fonctionnement d’une société. Elle ne se complaît pas dans l’émotion, pas plus qu’elle ne s’érige en porte-parole des victimes. Son propos apparaît plus large et c’est ce qui lui donne tout son sens.
À distance respectueuse des projecteurs, Christian Quesnel roule sa bosse dans le milieu de la bande dessinée québécoise depuis une vingtaine d’années. Armé de ses gouache, aquarelle, encre et fusain, il navigue entre l’hyperréalisme et un trait plutôt relâché, voire carrément abstrait. La démarche artistique ne prenant jamais le dessus sur la narration, l’ensemble se révèle cohérent. Même sa double page, composée de quatre carrés noirs sur fond blanc, est éloquente.
Un regard aiguisé et pénétrant, porté par une approche créative audacieuse et convaincante, pour dénoncer l’insensibilité.
Encore une fois, j'ignorais tout de ce terrible accident ferroviaire survenue pourtant en 2013 au Canada et qui a tué 47 personnes dans le centre-ville de Mégantic.
En fait, il s'agit d'un déraillement d'un train de 72 wagons-citerne contenant plus de 7 millions de litres de pétrole hautement inflammable. A noter que le tout est intervenu sans conducteur pour le train. Cette tragédie du 6 juillet 2013 à Lac-Mégantic est le pire incident de l’histoire du Canada impliquant des liquides inflammables.
J'aurais aimé des images bien plus précises du déraillement. Certes, c'était la nuit et on y voit pas grand chose. Je pense que la forme ainsi que le déroulé des faits dans la scénarisation auraient sans doute être pu meilleure. Il y a un fort raccourci qui m'a laissé un peu pantois.
Les auteurs voulaient se concentrer sur l'aspect des responsabilités de cet horrible drame qui aurait pu être évité. En effet, on a incriminé des pauvres gens qui ont été désigné comme coupable afin de protéger les riches actionnaires de ces hedges fund, PDG de compagnie et politiciens véreux dont le ministère des transports du Canada qui ont couvert tout les dysfonctionnement douteux.
Le conducteur est ainsi le seul à avoir écopé d'une peine d'emprisonnement pour avoir contrevenu à un règlement ferroviaire. Il vit désormais retiré et dans la misère ne pouvant pas payer l'amende.
Fort heureusement, la population de Mégantic a refusé ce coupable désigné. Ils savent que ce sont ces gens intouchables qui sont inondés de richesse amassés sur la peine et le sang. A noter que la BD se fonde sur les témoignages réels des différents acteurs de la tragédie.
Toutes les stratégies de diversion vont nous être décortiqués jusqu'à la fabrication de bouc-émissaires. Je dois dire que j'ai beaucoup apprécié cette BD militante qui nous ouvre les yeux sur les dangers du capitalisme à outrance qui joue sur la sécurité et donc sur la vie des gens au nom du pétrole souverain.
D’ailleurs, rien n'a changé dans les lois ferroviaires au Canada depuis la tragédie où les compagnies s'auto-règlementent, s'auto-surveillent, et en cas d'accident, s'auto-enquêtent. Cherchez l'erreur !
La vérité exhumée est l'une des dernières armes que les auteurs ont exprimé pour éviter la répétition de ces horreurs évitables. En cela, c'est une BD documentaire d'utilité publique à lire pour analyser et comprendre. Un témoignage puissant, raconté de façon très juste, sans verser dans le pato ou le larmoyant.