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ncres et papier forment toute la vie de Tôhaku Hasegawa. Bien que débouté par le réputé Eitoku Kanô dont il souhaitait devenir le disciple, il espère voir son talent reconnu. Lorsque le château d’Azuchi est incendié l’artiste s’y précipite pour y contempler le chef d’œuvre de celui qu’il admire et mesurer l’écart qui les sépare. Aiguillonné par ce qu’il a vu, conseillé par un ami bonze et le grand maître de thé, Rikyu, il se plonge dans le travail, imposant progressivement un style singulier qui attire l’attention. La renommée ne va plus tarder.
Nouveau-venu sur les étals, le label Mangetsu des éditions Bragelonne, spécialisées dans les littératures de l’imaginaire, ouvre sa collection Seinen avec Le mandala de feu, titre signé Chie Shimomoto. La mangaka y brosse le portrait d’un des plus célèbres peintres japonais du XVIe siècle, Tôhoku Hasegawa (1539-1610). Fondateur d’une école qui a perduré pendant deux cents ans, ce dernier est surtout connu pour son travail monochrome sur des fusuma (portes coulissantes).
Dans ce volume unique, le décor est rapidement planté et le personnage principal apparaît déjà adulte alors qu’il doute de ses capacités après le rejet d’un autre grand artiste de l’époque. Puis vient une sorte de révélation et le début du chemin qui lui permettra d’asseoir durablement sa carrière. Évoquée, sa rivalité artistique avec Eitoku Kanô sert essentiellement de déclencheur, mais le récit s’y attarde peu, soulignant essentiellement l’opposition entre les deux personnalités. Au contraire du modèle qu’il admire, le héros se révèle être un homme au tempérament assez jovial et ouvert, malgré une grande exigence vis-à-vis de son art et envers ses élèves. Les figures qui l’ont côtoyé et accompagné trouvent chacune leur place, la principale restant Rikyu (1522-1591), dont la vie mériterait également d’être contée.
Bien menée, la narration doit toutefois beaucoup au dessin de l’auteure. En effet, celle-ci parvient, grâce à un trait semi-réaliste expressif, à donner de l’épaisseur aux protagonistes. Elle sait aussi restituer avec force le rendu des œuvres de Tôhoku ; ainsi, elle amplifie leur effet en les rendant presque réelles, ce qui traduit habilement l’impression qu’elles font à ceux qui les regardent. Cela donne des scènes réussies et remplies d’émotion. Le seul bémol tient à ce que les personnages ne paraissent pas vieillir, malgré les années qui défilent ; ce qui est un peu dommage.
Se lisant facilement et doté d'un graphisme agréable, Le mandala de feu constitue une jolie découverte.
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