J
ahida Belinski, cofondatrice de l’Erospital de Montpellier 2, s’est suicidée. Fredérico, son époux est profondément perturbé. Son traumatisme s’enracine. Il consulte donc le Docteur Sidibé qui a ouvert la voie de soins fondés sur l’orgasme. Précisément, des algorithmes neuro-érogènes permettent de reprogrammer les pulsions d’un agresseur sexuel comme de contribuer aux deuils via une réplico-thérapie. Dans ce monde édifié strictement sur l’apparence, les Ugs (disgracieux) ne bénéficient pas des mêmes droits. Ils exercent des métiers moins considérés et sont invisibles aux yeux des privilégiés, les Swiits (ravissant). Seulement, si un individu est négligé des autres, il n’en est pas pour autant aveugle aux eVen-ements.
Le prolixe scénariste Zidrou a construit un thriller sensuel, injuste et dense. Il y aborde la dictature du beau qui plane sur notre société de l’image. Il force le trait en empreignant son récit de ségrégation esthétique et huile le tout par une pseudo-enquête, qui peine à se développer. D’abord, l’écrivain pose adroitement les bases de son univers dystopique. Ainsi, une poignée de pages de réclames publicitaires joue le rôle de prologue permettant de dévoiler une part du contexte sociétal. S’ensuit un jeu de personnages. Une veuve au seuil de sa vie dépense ses deniers afin de revivre la passion de son premier amour. Ensuite, un violeur subit un protocole faisant écho à celui suivi par Alex De Large, protagoniste principal du long-métrage Orange Mécanique (1971) de Stanley Kubrick. Sans oublier, la famille de « moches » dont la mère nettoie les sécrétions des « beaux » sur des fauteuils moelleux et dans des ambiances cosys. C’est alors que l’auteur pique la curiosité du lecteur en introduisant, un professeur imbu de sa personne, un homme dévasté et une journaliste désireuse de faire un coup. La galerie des acteurs est dévoilée. Les arcs narratifs se mettent en branle efficacement. L’album a de la tenue, mais l’intensité s’essouffle à l’heure de la révélation finale.
La partition graphique d’Alexeï Kispredilov est distinguée et lisible. Son dessin assisté à l’ordinateur s’inscrit dans une veine semi-réaliste, dont la copie présente un cousinage évident avec L’Apocalypse selon Lola d’Arthur Qwak. Sa ligne est fine et entrecoupée d’un geste épais. Quelques aplats de noir viennent contraster des atmosphères colorées par tonalités – l’ocre, des touches de vert et de bleu et, à l’instar de la couverture, un dégradé du violet au rouge bordeaux. À l’occasion de scènes silencieuses et maîtresses, l’artiste propose des enchainements de cadrages justes. L’intention du duo de créateurs est comprise par une composition adroite qui évite de plonger dans la luxure et l’explicite. L’absence de didascalie en renforce l’effet. Bref, le job est bien fait !
La maison d’édition Delcourt promeut l’œuvre comme un mélange de Bienvenue à Gattaca (1997) d’Andrew Niccol et de Basic Instinct (1992) de Paul Verhoeven - un résumé audacieux qui a dû vrai, même si la critique ne porte pas sur l'eugénisme.
Agréablement tendancieuse et porteuse d’un message de tolérance, la fiction eVen interroge l'aspect et les faux-semblants.
cette Bd qui n'est pas érotique et qui tente de traiter le sujet m'a autant déçu par ses dessins que son scénario. l'histoire fait de séquences est en final inaudible. Décevant
Je ne connaissais pas Zidrou comme auteur de BD dite érotique. Je suis agréablement surpris et j'admire quand un auteur sort de sa zone de confort pour explorer d'autres choses.
On se situe dans un monde où le Ministère de la santé de la Communauté Européenne a décidé de s’immiscer dans la vie sexuelle de ses habitants afin de les rendre plus heureux. Il s'agit également de s'occuper des cas de déviances (c'est à dire quiconque ne parvient pas à s'épanouir sexuellement). Bref, l'objectif est d'améliorer le bien-être socio-affectif de chaque citoyen éco-responsable.
Bien entendu, dans le cadre de ce programme, chaque cas est traité différemment et ce quelque soit nos préférences sexuelles. C'est sous le contrôle de spécialiste psychologies dénommé des orgasmologues. Tout un programme sanitaire qui œuvre à notre bien-être collectif !
Even nous entraîne dans les méandres, les fantasmes et les pulsions d'une dystopie sexuelle. A noter que ce monde est sujet à la ségrégation entre les beaux individus et ceux dénommées les Ugs autrement dit les moches (ugly). C'est bien une autre forme de dictature qui n'est ni religieuse, ni politique mais esthétique. Quand on vous dit qu'il faut rester jeune et belle, maigre de préférence et manger du bio sans gluten !
Il y a un côté récit d'anticipation et de science-fiction à cette œuvre assez singulière qui pourrait ressembler à un épisode de l'excellente série « Black Mirror » pour ceux qui connaissent. Elle peut trouver des résonances dans le fait que la santé peut justifier des incursions et surtout des privations de libertés individuelles surtout dans un monde en proie à une crise sanitaire inédite.
L'enchaînement des différentes séquences est parfois assez déroutant pour la compréhension. Il s'agit de faire une pause et bien reprendre le fil. A noter un final que j'ai jugé pour ma part assez peu convaincant.
Au final, c'est une œuvre assez audacieuse sur une bonne idée de départ qui a été exploitée assez maladroitement. Pour autant, l'ensemble demeure satisfaisant.