V
ingt ans après être descendu au fond du puits aux souhaits, l’aventurier Greyson décide de retourner à Pômoison. Il apprend vite que Natch, la femme qu’il aimait, a été assassinée. Quant à Nevo, son meilleur ami, il n’est que l’ombre de lui-même, copinant avec les politicards et toujours redevable envers quelques malfrats. Après moult péripéties, les complices obtiennent d’un dragon la réalisation du vœu qui pourrait tout changer : chambarder le passé en gommant la pire décision de leur vie. Seulement, le reptile les renvoie à l’instant de bascule avec leur physique décrépit de vieux - peau flasque et embonpoint. Afin d’épargner leur amour de jeunesse, ils vont devoir convaincre les fougueux, présomptueux et idiots individus qu’ils étaient à l’époque. Ce n’est pas gagné, d’autant que la pépette à sauver tient plus de la Valkyrie que de princesse gnan-gnan.
Isabelle Bauthian trempe sa plume dans un encrier médiéval fantastique qui lui sied fort bien. L’univers venimeux qu’elle a développé fascine. Cependant, outre un bestiaire coloré et excréteur de ciguë et de choléra, la seconde partie de cette mini-série repose principalement sur le caractère des protagonistes. Le lecteur se languit donc un peu des arcanes de Pômoison, des poudres de succession et des duels aux potions toxiques.
Pourtant, Le Bedonnant et le Balafré est subtilement conté. L’histoire a le goût de la dernière quête pour deux hommes sur le retour, éprouvés par la vie. Les autrices se hasardent à utiliser le voyage dans le temps, tout en s’affranchissant des lois qui codifient le genre et qui alourdissent, en passant, la narration. En l’espèce, la fable maintient la fluidité adoptée à l’occasion de Greyson, Nevo et Natch. Les intrigues se referment au pas cadencé, l’héroïne a soif d’aventure, les touches d’humour ponctuent les dialogues, un twist narratif surprend et la morale est transposable.
La chronique de ce monde merveilleux est mise en image par Rebecca Morse. Tournant de sa production, elle croque d’un style moins connoté jeunesse sur une feuille au format A3 et, en suivant, elle réalise un encrage numérique. L’artiste déploie également de nombreux artifices graphiques visant à accompagner la verve de sa co-autrice. D’emblée, elle expose une pleine page, postulant à l’immersion au sein de la cité de la strychnine et de la mort-aux-rats. Ensuite, elle compose une poignée de bandes où une vignette est davantage étendue permettant de profiter du décor. Elle ponctue alors son illustration centrale, de cases encastrées à l’extrémité du strip, intensifiant l’émotion des personnages. À l’inverse, les scènes de combat et/ou d’escrime sont centrées sur les combattants. La bédéiste efface alors le superflu et se concentre sur la chorégraphie pour un rendu efficace, soutenu par une déformation du gaufrier. Le seul bémol observé réside dans l’approche du puits aux souhaits, qui n’est pas reconstitué dans sa verticalité contrairement aux superbes saynètes du premier tome.
Aurélie F. Kaori distille une belle colorisation en usant de teintes et d’effets très mainstream. Certes, elle accentue le volume, elle scinde les plans et apporte une jolie touche de lumière. Néanmoins, la proposition manque un peu de personnalité.
La clôture du diptyque Dragon & Poisons tient ses promesses épiques et humoristiques, sans contaminer ses séquences de curare. Promis, l’absorption par votre cerveau de cette rocambolesque fantaisie ne provoquera ni une contracture de votre mâchoire ni une paralysie respiratoire !
La qualité du dessin avec des pages d'ensemble très détaillées est le point fort de cette série.
Le scénario, bien qu'original ne m'a pas enthousiasmé plus que ça...
Une série sympa et distrayante mais qui se lit rapidement.
Dragon & poisons reste une étonnante chronique amoureuse, bien mal vendue, et qui sait clairement marquer sa différence avec le tout venant fantasy. Les équipes artistiques féminines ont souvent cette qualité en BD et c’est tant mieux si cela apporte de la variété à un genre ultra-balisé! Un troisième tome aurait sans doute permis de détailler un peu tout cela mais il faut aussi parfois rester raisonnable et ne pas étirer un concept…[...]
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