Patria

I l y a ce bandeau rouge sur la couverture… une bande-dessinée, un roman, une série de télévision ! Est-il nécessaire, pour comprendre l’une, de connaitre les deux autres ? Lourd de ses trois cent quatre pages, l’album devrait se suffire à lui-même…

Dès les premières planches, une certitude est là. Patria sera une lecture qui se mérite et qui demandera du temps! Il y a d’abord cette structuration du récit, chaotique, sans chronologie établie ; cependant, progressivement, à l’image d’un puzzle, chaque séquence trouve sa place… même si quelques retours en arrière sont parfois nécessaires. Graphiquement, de tels allers et venues s’avèrent également indispensables car il est souvent difficile de suivre les personnages dans leur évolution qui s’échelonne sur plus de trente années. Pour guider le lecteur, Toni Fejzula a mis au point un récitatif de couleur, une pour chaque protagoniste, mais l’impression ne permet pas toujours d’en saisir les variations. Ceci peut, deçà-delà, induire des quiproquos qui possèdent le mérite de revenir sur le déroulé du scénario, quitte à rebrousser chemin pour en renouer le cours.

Récit choral de deux familles basques qui se déliteront lentement dans la banalité d’un quotidien endeuillé à jamais, Patria donne, en premier lieu, à se questionner sur l’ambiguïté qu’il y aurait à légitimer des actes de terrorisme au prétexte qu’ils découleraient d’un état de guerre, alors que, par bien des égards, ces mêmes actions relevaient d’une organisation terroriste guère soucieuse de démocratie. Mais au-delà de l’aspect historique qui demeure en toile de fond, l’auteur espagnol d’origine serbe s’attache surtout aux séquelles psychologiques des attentats sur la vie de tous les jours d’une population prisonnière de ses idéologies ou de la peur, et sur la manière dont cette violence armée fit d’amis, des ennemis,

Adaptation exigeante, Patria est un album immersif, véritable réflexion sur la résilience comme sur le travail de reconstruction indispensable pour pardonner puis rebâtir.