L
e père du narrateur vient décéder. C’est le trou, l’absence, le chagrin. Comment comprendre ce vide et vivre avec ? Face à son désarroi, il choisit la fuite pour s’éloigner de tous ces souvenirs. N’importe où, un endroit inconnu, vierge de toute considération. Ça sera la Chine, Shanghai en particulier.
Partir, c’est mourir un peu. Léopold Prudon a décidé de partir beaucoup pour échapper à sa peine. Ouvrage introspectif sur fond de deuil, Shanghai Chagrin est également un superbe livre de voyage en terre étrangère. Ignorant tout de sa destination, le visiteur s’immerge complètement dans la ville. Encore abasourdi par sa perte, il déambule de quartier en quartier. Mi-éveillé, mi-endormi, son regard enregistre machinalement ce nouvel environnement, des bribes de discussion servent de trame sonore, il croise des habitants, se perd dans des ruelles étroites. Et euh… où suis-je déjà ?
Évidemment très personnel, ce récit réussit cependant à captiver et à séduire. En effet, le scénariste a intelligemment mis de côté la psychologie et se concentre uniquement sur l’émotion pure. Oui, cette mégalopole est impressionnante, pleine de vie même, mais tout cela sonne creux. Non pas qu’il s’en fiche ou que ce spectacle le laisse de marbre. Regardez, elles sont bien là ses impressions : des scènes de rues entre exotismes et traditions, des architectures audacieuses ; l’ensemble est superbement dessinés en plus. Non, c’est juste son esprit qui n’est pas totalement arrivé sur ces terres. Parfois, il faut un peu de temps pour accepter sa nouvelle réalité.
Errance cathartique infiniment fragile, vide et remplie à la fois, Shanghai Chagrin est une lecture forte et douce. Léopold Prudon réalise un admirable album aux ramifications multiples et universelles.
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