Mais pauvrette, tu n'es pas la seule
Dont le destin témoigne que la prévoyance peut être vaine ;
Les plans les mieux conçus des souris et des hommes
Avortent bien souvent,
Et ne laissent, au lieu de la joie escomptée,
Que peine et que douleur.
Robert BURNS (1759 - 1796)
Of mice and men fut publié en 1937, au lendemain des Bitter years qui jetèrent des milliers d’Américains sur les routes. Des Souris et des hommes, c’est cette Amérique-ci ! Celle immortalisée - entre autres - par Dorothée Lange, avec ses cohortes de journaliers rendus taillables et corvéables à merci par la récession et la faim.
Steinbeck, avec une écriture des plus sobres et une mise en scène minimaliste a dépeint avec force ces anonymes livrés à eux-mêmes. En une dramaturgie d’une troublante universalité, l’écrivain américain a su décrire sans détours la pauvreté, la solitude, les lâchetés humaines ou les rêves déchus, et exprimer superbement l’espoir et les frustrations qui habitent ses personnages.
Dès lors, vouloir illustrer un tel monument de la littérature du vingtième siècle relèverait, au choix, de l’inconscience, de l’impertinence ou de la suffisance. À l’évidence, le propos de Rébecca Dautremer est tout autre ! Reprenant intégralement le texte, à la virgule près, l’illustratrice démontre sa capacité à décupler la puissance évocatrice des pages de Steinbeck. Ainsi, au gré des subtilités d’une mise en page qui fait danser les mots et les illustrations, elle couche sur ses feuilles de papier aquarelle les images qu’appelle la lecture de ce récit. Pour ce faire, Rébecca Dautremer joue de toutes les variations graphiques qui lui sont connues et sait, selon les séquences, alterner les styles dans un patchwork dessiné à la virtuosité saisissante.
À ne manquer sous aucun prétexte, Des Souris et des hommes relève autant de la rencontre graphique que littéraire et permet de (re)découvrir un immense auteur comme d’admirer le travail d’une très grande artiste.
les bonnes critiques sont méritées. Les dessins traduisent très bien l'histoire et cette ambiance d'avant guerre. Les planches sont très variées. On ne s'ennuie pas malgré un texte très complet et - semble t'il - repris intégralement. Je recommande à ceux qui veulent découvrir Steinbeck sans être de fervent lecteur. Une plongée dans l'Amérique profonde et dure du siècle dernier.