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epuis son retour sur le sol américain, le soldat Eddie Ray Routh est régulièrement interné au Veteran Affairs, une institution gouvernementale spécialisée dans l’accompagnement des anciens militaires. L’intéressé est atteint du syndrome de stress post-traumatique. Entre les comprimés et la marijuana, le G.I. de vingt-cinq ans est, de plus, sujet à des périodes de schizophrénie. Sa mère sollicite alors l’aide de Chris Kyle, le fameux « Diable de Ramadi ». Ce marine s’est heurté aux mêmes difficultés. Il a su soigner son addiction et a rencontré un succès retentissant en rédigeant son autobiographie. Avec les bénéfices générés par cet ouvrage, il a créé une fondation visant à accompagner les mutilés de guerre dans leur réinsertion à la vie civile. Le 2 février 2013, le tueur d’élite et un de ses amis proches (Cham Littlefield) amènent Eddie sur un stand de tir. Ce jour-là, le gamin mentalement instable exécute froidement deux pères de familles dévoués. Du moins, selon la version officielle.
« On est dans l’Ouest, ici. Quand la légende dépasse la réalité, on imprime la légende ».
Cette citation est issue du classique fordien, L’homme qui tua Liberty Valance (1962). Dans ce film, l’un de ses derniers westerns, Georges Ford revient à ses premières amours, le noir et blanc. Il raconte la fin du Far West et le début de la judiciarisation de cet espace sauvage qu’il a contribué à populariser. Précisément, James Stewart joue le rôle d’un sénateur qui retourne à Shinbone, une petite ville typique du ponant, pour rendre hommage à un illustre inconnu (John Wayne). La presse locale s’en étonne et entame une enquête. Par un procédé de flash-back, le spectateur apprend que les événements qui ont conduit le politicard à prétendre qu’il a abattu un hors-la-loi sont faux. Toutefois, les journalistes conviennent que l’intérêt commun prime. Ils consentent au mensonge et publient le mythe.
Placée en incipit de la nouvelle collaboration de Fabien Nury et de Brüno, cet extrait annonce clairement la couleur. Le duo entend détricoter la fable Amercican Sniper et en révéler les contre-vérités. Pour ce faire, ils livrent un récit documentaire à la temporalité affirmée. Par quelques récitatifs bien tournés, le scénariste élude la jeunesse et les premières opérations extérieures du Navy Seals. L’empathie que le réalisateur Clint Eastwood a créé tout au long de son adaptation de la biographie du tireur de précision est ainsi balayée en peu de pages. Ce faisant, les conteurs se privent également des représentations fortes d'un théâtre de guerre où le trait du dessinateur et, surtout, son sens du cadrage auraient pu offrir des illustrations iconiques. Le lecteur est donc propulsé dans le vif du sujet sans prendre la mesure des exploits du personnage. Rappelons au préalable que ce sont les troupes au front qui affublent Chris Kyle du surnom de « légende » et que, porté par les espoirs que ses camarades lui accordent, il réalise des prouesses lors d’affrontements périlleux.
Analysée sous l’angle de la structure, l’écrivain scinde sa narration en quatre parties. Les deux séquences inaugurales se font face. D’un côté, la réussite d’un combattant qui transcende les séquelles des conflits armés et accède à une certaine notoriété. De l’autre, une bleusaille assignée à la manutention d’un camp qui s’enfonce dans une paranoïa jusqu’à commettre l’irréparable. Ce parallèle n’est abordé que par des faits avérés et notamment en usant de retranscription d’interviews produites à destination de la télévision U.S. Très habile du point de vue du canevas scénaristique et, en revanche, extrêmement figée quant à la mise en scène. Plus intéressant, les artistes poursuivent leur reportage en décrivant la veuve Taya Kyle. Cette femme fatale commercialise son image, orchestre ses apparitions et louvoie autour des caméras. Symptomatique du pays de l’Oncle Sam, cette succes story repose sur l’homicide de son propre mari. Son opportunisme gène. Pourtant, son lien permanent à l’endroit des médias permet aux pamphlétaires de capter des moments d’émotions. Elle prend la lumière et tourne des spots publicitaires pour des fabricants d’armes qui offrent étrangement de belles respirations graphiques. Préparez-vous à un mélange de stupéfaction et d’envoûtement.
Enfin, les ultimes scènes de cet album se concentrent sur le mobile de Eddie Ray Routh. D’abord, en énonçant le procès expéditif qu’il a enduré, ensuite en mettant en perspective les circonstances de son mal. Du 20 mars 2003 au 18 décembre 2011, bon nombre de citoyens états-uniens ont souscrit aux thèses énoncées par Samuel Huntington au sein de son essai, le Choc des civilisations (The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order, 1996). La seconde guerre du Golfe s’est, sur ces entrefaites, transformée en croisade. Les fantassins envoyés afin de pacifier un territoire et de lutter contre le terrorisme ont été amenés à torturer, appauvrir une population et protéger des ressources énergétiques au risque de leur vie. Le traumatisme généré a blessé dans leur chair tous les foyers yankee. Depuis, le nombre de vétérans souffrant de troubles est si important que les institutions compétentes sont débordées. Des soldats sont abandonnés. Et l’inévitable est survenu. Eu égard à ces conditions, Eddie Ray Routh est-il un criminel, une victime ou les deux ?
L’Homme qui tua Chris Kyle, sous-titré Une légende américaine, alimente cette relation que le Vieux Continent entretient à l’adresse de la première puissance mondiale, entre fascination et dégoût. La vie du sniper est du pain béni, à la fois véritable héros et menteur invétéré, engagé au sein de la société civile et raciste patent. L’agrégat idéal pour dépeindre les entreprises de l’information, le système judiciaire et le communautarisme religieux à l’anglo-saxonne. Les auteurs finissent ainsi par montrer la construction d’une opinion publique. Un assemblage émotionnel qui fédère un peuple et constitue un exemple inattendu du processus de propagande démocratique tel que décrit, en 1988, par Edward S. Herman et Noam Chomsky au cœur de leur étude La Fabrication du consentement : la Gestion Politique des Médias de Masse. Un bon moment de lecture et God Bless America !
Je n'ai pas particulièrement accroché. Trop froid, trop cynique, trop glaçant, jusque dans le dessin, totalement dénué d'émotions, avec une répétition de copiés/collés qui accentue cette impression. Bien sûr tout cela est voulu par les auteurs et bien sûr le travail documentaire est remarquable. Mais j'ai partagé ma lecture entre ennui et dégoût.
Je qualifierais volontiers cette BD de "hors norme" (autant pour le fond que pour la forme), mais ce n'est pas pour ça que l'on accroche forcément. A vous de voir.
C'est un vrai coup de cœur pour cette bd qui raconte les derniers instants de vie de Chris Kyle, un véritable héros américain pour les uns, un massacreur pour les autres. L'angle de vue sera celui de l'auteur pour expliquer le geste du déséquilibré Eddie Ray Routh qui a commis l'irréparable.
Je ne connaissais pas cette histoire traitée comme un documentaire sérieux bien qu'immortalisé au cinéma par le film « American sniper » réalisé par Clint Eastwood et interprété par Bradley Cooper. Six nominations aux oscars pour une seule statuette remportée au final.
On aura même la chance d'entre-apercevoir un célèbre promoteur douteux à la tête d'une émission américaine pour promouvoir l'adversaire de Chris Kyle, un certain Jesse Ventura qui n'hésitera pas d'intenter un procès en diffamation à la veuve pour une soi-disante bagarre de bar afin de soutirer des millions de dollars. Il est vrai que je déteste cette mentalité de profiteur.
J'ai aimé cette interprétation du crime, la façon dont s'est réalisée et construite cette bd sur une mise en dessin assez sobre et plutôt froid qui colle parfaitement au sujet évoqué. Cela reste très crédible dans l'ensemble par un travail journalistique assez minutieux. J'ai aimé également ce recul nécessaire car cela donne une vision plutôt objective. On comprend mieux une société américaine totalement déchirée sur fond de lobbys des armes à feu.
Au final, un album surprenant à découvrir car cela donne une autre vision de Chris Kyle et de son assassin, loin de la belle image cinématographique en faisant un véritable héros sans peur ni reproche. Bref, il y a de l'intelligence dans le scénario couplé à un graphisme impeccable.
Ancien snipper chez les Navy Seals, Chris Kyle est un héros américain au sommet de sa gloire. Un héros qui a, à son actif, 160 morts… minimum. Sa légende grandit encore quand de retour aux States, il aide les vétérans victimes de stress post-traumatique. Le 2 février 2013, l’un d’eux, Eddie Ray Rough, l’abat froidement. Sa mort secoue l’Amérique qui prend en pleine figure l’assassinat de son héros par un ancien d’Irak qui souffre de grave dépression. Au-delà du fait divers, c’est tout un questionnement que met en place Fabien Nurry pour déconstruire pièce par pièce la figure du héros et pour faire remonter à la lumière ce qu’on voudrait ne pas voir : le mal qui ronge ses soldats et qui les rend difficilement réadaptables à une vie en société. Sacré challenge de passer après Clint Eastwood et « American snipper » ! Mais Fabien Nurry qui s’appuie sur une solide documentation réussit le pari et nous livre un récit « clinique », glaçant à souhait. C’est magnifiquement dessiné par Brüno qui restitue, lui-aussi, la froideur et le malaise qui se dégagent du récit. Y’a pas à dire, ça refroidit et ça fait réfléchir…
Un récit terrible sur la fascination des armes et des "légendes" engendrées par lesdites armes. Une biographie qui fait froid dans le dos. A lire. Voilà pour le fond.
Quant à la forme, c'est blindé de copier/coller. Je ne les ai pas compté, mais c'est impressionnant. Sûr que faire un album aussi épais en y faisant pas un dessin pareil que l'autre, c'est du boulot. Maintenant, se contenter de changer simplement les dialogues en laissant les dessins tels quels de pages en pages, on est quand même limite dans le foutage de gueule. Et ça gâche le plaisir de lecture. Dommage.
Fabien Nury aime parler des vilaines histoires, les histoires sans héros qui confrontent ce que l’Histoire laisse comme trace et la chienne de vie que chante le rock punk. Il est un maître pour effacer les vernis créés par les récits mythiques, nationalistes et pour aller titiller l’humanité là où ça fait mal. On peut parler de nihilisme et il est vrai que les lectures de ses albums ne sont pas véritablement des parties de plaisir, comme ce formidable triptyque Katanga dont on ressortait lessivé par tant de vilainie et d’absence d’espoir. Dans sa grande saga Il était une fois en France il parvenait à accrocher à personnage de « héros » même s’il s’agissait d’un anti-héros, bien gris, bien complexe, comme l’est la véritable Histoire.
Avec son compère Brüno qui l’accompagne depuis dix ans maintenant il a choisi cette fois de dézinguer le mythe américain en nous racontant l’histoire de ce qui s’en rapproche le plus, à la façon d’un documentaire télévisuel. Le style du dessinateur, très figé mais redoutable dans la reprise des cadrages et cinéma (Brüno n’a pas illustré pour rien le volume de la BDthèque des savoirs abordant le Nouvel Hollywood…) renforce cet aspect en évacuant tout réalisme graphique qui pourrait nous détourner du propos. Dans L’homme qui tua Chris Kyle ( titre emprunté bien évidemment au célèbre film de John Ford) les auteurs dressent le portrait réel d’une vraie légende. Quitte à écorner sur les bords le récit de cette vie qui semble valider l’american way of life et le mode de pensée des redneck dans l’Amérique de Trump (l’album ne sort bien évidemment pas cette année pour rien), ils ne remettent pas en question ce que représenta cet homme dont les choix et la réussite semblent valider totalement la mythologie de la vie par la volonté et les valeurs… simples si possible. Le propos est plutôt de gratter le traitement par l’Amérique, ses plateaux de chez Fox news, ses grands éditeurs qui fabriquent les best-sellers alimentant le mythe du héros tué par un lâche et de la veuve courageuse qui défend la mémoire de son mari, de présenter l’évidence brute, documentaire pour ensuite nous donner une interprétation plus complexe de ces évènements. Ainsi ils dressent le parcours du héros, puis de son assassin, vétéran comme lui mais comme son négatif à qui rien n’a réussi alors qu’ils avaient le même parcours… jusqu’à fréquenter le même lycée. Ensuite la veuve qui fructifie sur son mari pour endosser un statut national héroïque et l’argent qui va avec. Enfin le traitement judiciaire expéditif. Tout cela de façon presque clinique, sans commentaire ou presque, laissant le lecteur européen s’amuser tout seul des monstruosité du système médiatique américain que nous adorons détester.[...]
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https://etagereimaginaire.wordpress.com/2020/10/11/lhomme-qui-tua-chris-kyle/
Bon documentaire qui complète le film d'Eastwood.
Nury et Brüno nous offre l'envers du décor derrière la légende.
L'ouvrage est découpé entre les différents protagonistes, pour avoir une vision multiple de l'histoire.
J’ai acheté ce titre en édition limitée sans réfléchir parce que c’est Brüno et Nury. Mais j’ai mis plusieurs semaines avant de le lire, pas franchement motivé par son aspect documentaire.
Après une lecture attentive, mon ressenti sur cet album est étrangement partagé :
D’un côté, c’est une œuvre glaçante au style puissant qui pose d’excellentes questions. La description méthodique des faits, énoncés de façon neutre et détachée, fait vraiment froid dans le dos. Tout comme le portrait qui se dessine des États-Unis, entre culte des armes, omniprésence du fric et du drapeau, justification de la violence, manichéisme effroyable entre les « bons » et les « méchants », média partisans qui promeuvent et relayent une idéologie nationaliste, vénération de la guerre et de l’héroïsme qui va jusqu’à idolâtrer un tueur, et le sempiternel recours à Dieu et à la religion... Tout cela se mêle et résonne à chaque page. Mais sans volonté de juger de la part des auteurs, ni même tenter d’analyser quoi que ce soit. Le simple étalage de cette histoire, décortiquée comme le fait Fabien Nury, suffit à démontrer les maux de la société américaine et comprendre comment un Trump a pu être élu.
D’un autre côté, le récit est dense, factuel, austère et volontairement dénué d’émotion. La répétition de certaines cases et l’absence assumée d’action et de suspense peut déstabiliser.
De plus, le parallèle avec le film « American sniper » est un peu longuet et moyennement pertinent. Bref, cet album a tous les défauts de ses qualités. Comme je le disais plus haut j’aurais souhaité une dimension d’analyse supplémentaire, puisqu'ici c’est au lecteur de fournir tout le travail de réflexion à partir des données brutes énumérées dans les pages. Finalement c’est le sujet entier qui pourrait être remis en question. C'est vrai, on peut légitimement se demander pourquoi, en tant que français, avoir réalisé ce livre ? Pour dire quoi, faire passer quel message ? En quoi est-ce censé nous concerner ?
C’est donc un bouquin sérieux qui ne s’adresse pas à tout public. Il fait appel au sens critique et réclame de s’intéresser un minimum à l’actualité, d’être capable de la décrypter et d’avoir connaissance des fractures que provoquent la politique américaine sur le monde et sur sa propre société.
Ce qui est sûr c’est qu’il s’agit d’une œuvre remarquablement intelligente et solide, fascinante par bien des aspects. Même si on est loin de Tyler Cross, cette nouvelle proposition par ces 2 auteurs de génie est aussi clivante qu’intéressante. Beaucoup la critiqueront mais au final, je suis très heureux de l’avoir dans ma bibliothèque et je la relirai à coup sûr.
Une fois n’est pas coutume, le duo de choc Nury-Brüno, qui depuis « Tyler Cross », fait figure de référence dans le milieu du neuvième art, tente une incursion dans le documentaire. Fascinés par le western et le roman noir « hard boiled », ces deux-là ne pouvaient que s’intéresser à Chris Kyle, celui qui de son vivant était surnommé « La Légende ». Le fait de tuer de sang froid 255 personnes, dont 160 « confirmés », fit de lui le « recordman du nombre de tués homologués de toute l’histoire de l’armée américaine ». Un palmarès impressionnant qui d’un point de vue européen pose beaucoup de questions sur cette Amérique toujours encline à se fabriquer des héros, a fortiori quand cela réactive le mythe du cow-boy à la gâchette facile, prêt à sauver la veuve et l’orphelin.
L’approche de Fabien Nury pourra déconcerter ceux qui s’attendent à trouver dans l’ouvrage une charge cinglante contre cette Amérique que nous adorons détester de ce côté-ci de l’Atlantique. La narration retranscrit de façon extrêmement objective le cours des événements, depuis le retour d’Irak du vétéran Chris Kyle jusqu’à son assassinat en février 2013 par l’ex-Marine Eddie Ray Rouch.
Ce dernier, qui avait été également en Irak ainsi qu’en Haïti pour une mission humanitaire, était victime tout comme Kyle de PTSD (trouble de stress post-traumatique). Rouch n’avait pourtant jamais tué personne mais il avait vu l’horreur. Vouant une admiration sans bornes à l’ancien sniper, il rêvait de le rencontrer. Mais Rouch avait pris la voie inverse. Gavé d’antipsychotiques, en proie à la démence et passant ses journées à se défoncer, il était devenu l’antithèse de Kyle, le pur loser, un envers de rêve américain.
Si Nury ne se livre pas une attaque violente du système US dans ce docu-BD, sa façon d’égrener les faits est beaucoup plus subtile et constitue en elle-même une accusation si l’on reste un tant soit peu attentif. L’auteur semble faire confiance à l’intelligence de ses lecteurs, et rien que pour cela, on peut lui en être reconnaissant. Il est possible d’aimer les westerns ou les polars sans pour autant défendre le port d’armes, et le co-auteur de « Tyler Cross » semble vouloir le prouver ici. Quant au dessin de Brüno, il reste toujours impeccable, malgré le format « copier-coller » pour la retranscription des quelques interviews qui pourra éventuellement frustrer les plus accros aux vues panoramiques hollywoodiennes auxquelles il nous a habitués.
« L’Homme qui tua Chris Kyle », une fois de plus, confirme la parfaite alchimie entre ces deux auteurs. Sachant maintenir le lecteur en haleine, la narration est passionnante, puissante, décuplée par le minimalisme parfaitement calibré du dessin. Sous la lumière tapageuse d’une certaine Amérique, Nury et Brüno ont su en débusquer la proportionnelle noirceur, sans ostentation inutile. Et du coup réussissent avec brio leur entrée dans le documentaire.
J’attendais beaucoup de ce duo d’auteurs, à nouveau recomposé après les excellents Atar Gull et Tyler Cross de ces dernières années.
Ne m’étant que très peu renseigné sur le « phénomène » Chris Kyle et pensant naïvement trouver un thriller historique « polar(isé) » pour me plonger dans un suspense crispant dont Fabien Nury à le secret, je me suis retrouvé finalement avec une BD reportage et très vite mal à l’aise face à ces personnages atypiques, d’un cynisme rare, qui pour le coup existent (ou ont existé) réellement.
Afficher comme une performance, au XXIème siècle, le nombre de victime abattue (même en temps de guerre) aussi simplement que d’autres exhibent un nombre de buts au foot ou de points au basket, devrait pétrifier l’humanité tout entière, ou au moins les citoyens d’un pays « dit » civilisé. Les marques des manieurs de colt sur la cross de leurs revolvers, qui relatent les hauts faits de leur propriétaire, font sourire quand il s’agit d’une fiction ou d’un bon vieux western avec son lot de gangsters et de mauvais cow-boys. Mais là c’est d’un soldat de la première puissance mondiale dont on parle, adulé par ses pairs et ses concitoyens pour avoir tué réellement plus que n’importe qui !
L’histoire de M. Kyle finit mal, comme le titre de l’album nous le confie, et on pourrait presque s’en féliciter si sa disparition avait au moins la saveur d’une morale quelconque (même rudimentaire). Malheureusement il n’en est rien, son assassin est aussi malade que lui, sa veuve exploite sa légende avec une impudeur sans nom, le lobby des armes fait son beurre et les américains pleurent ce triste héros…
Pour conclure, cet album, de par la perception des évènements qui y sont portés et grâce à une narration bien construite, dénonce avec brio et une force remarquable les dérives des États-Unis d’Amérique d’aujourd’hui. S'il comporte malheureusement quelques longueurs, c'est tout de même une sacré performance de ce point de vu là !