Selon certains, il serait le dernier mort de l’année. Un sort le désignerait pour moissonner les morts de l’année à venir. Imaginez l’effroi d’une femme, figée de terreur face à l’Ankou, un être qui possède les traits exacts de son mari, mort la nuit de la Saint Sylvestre, et qui vient la chercher pour la déposséder définitivement de sa chair.
L’Ankou…
Depuis la mort de sa femme Maëlle, Guillaume Cadic le traque. Cet être mystérieux est devenu le sujet de ses livres et l’objet de ses cauchemars, au point de délaisser sa propre fille Sofia qui a pourtant tellement besoin de lui. Au fil de l’album, nous le suivons dans sa quête de la Mort, au travers du journal intime dans lequel il couche toutes ses émotions, ses doutes et ses désillusions. Son parcours est entrecoupé de récits qui lui sont relatés par d’autres ou qu’il a lui-même inventés, mais qui s’attèlent tous à décrire la Mort, qu’elle revête l’apparence de l’Ankou ou d’autres personnages de légendes. Cet homme, nous apprenons à le connaître, nous souffrons avec lui mais nous ne pouvons l’aimer totalement. Nous compatissons à sa souffrance mais ne pouvons cautionner le prix qu’il accepte de payer pour assouvir son obsession. Mais a-t-il vraiment le choix ?
Les textes de ces différents récits sont superbes et nous plongent véritablement dans l’ambiance si particulière de la Bretagne. Et cette beauté est rendue plus éclatante encore par le trait tortueux de Sorel qui reflète à merveille les sentiments éprouvés par les personnages. Son dessin est sublimé par des couleurs et un cadrage qui confèrent à ses planches une ambiance particulièrement envoûtante.
Pas facile pour deux jeunes dessinateurs de partager la vedette avec un monstre sacré de la bande dessinée tel que Sorel. Nous saluerons donc la performance de Gwendal qui à aucun moment ne souffre de cette comparaison forcée. Ses planches possèdent vraiment une touche très personnelle et conviennent à merveille pour décrire les paysages tourmentés de la Bretagne.
Le dessin de Frank Poua est en lui-même beaucoup moins fouillé et semble bien moins maîtrisé. Cependant, servis par une mise en couleurs très soignée, les paysages de brume qu’il nous dépeints sont particulièrement réussis et confèrent à son récit une ambiance très lugubre, où la mort semble omniprésente.
Malgré toutes ses qualités, il manque quelque chose pour faire de cet album une réussite totale. Le tout pêche par manque d’homogénéité, surtout à cause du dessin de Poua qui, s’il possède des qualités indéniables et prometteuses, dénote par rapport au reste de l’album. Et ces récits sont décidément fort courts. Si Istin et Le Breton réalisent un véritable de tour de force en racontant quatre histoires complètes en si peu de pages, et en les articulant autour d’un vrai fil conducteur, ils ne parviennent toutefois pas à nous épargner le sentiment de frustration que nous éprouvons à la fin de chaque conte. Mais ont-ils vraiment eu le choix ?
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