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Charlotte Impératrice 2. L'Empire

18/06/2020 10883 visiteurs 7.8/10 (5 notes)

L a princesse Charlotte de Belgique épouse l’archiduc Maximilien de Habsbourg, mais ce n’est malheureusement pas le début d’un conte de fée. L’Autrichien est un bon à rien. Sa nomination au titre d’empereur du Mexique s’avère donc inespérée. Le bougre se montre libéral, il plaide pour davantage de démocratie, une église ouverte, une presse responsable et une armée plus miséricordieuse. Bref, il s’apprête à bousculer les pouvoirs en place. Le naturel reprend cependant le dessus et il choisit plutôt de courir les jupons et de s’enivrer. Son épouse prend alors les choses en mains. Idéaliste comme son mari, elle est toutefois moins naïve. La vision qu’elle tente d’imposer dérange, en Amérique comme sur le Vieux Continent.

Dans ce deuxième tome de la tétralogie Charlotte impératrice, Fabien Nury poursuit son portrait d’une femme de caractère avec en arrière-plan une géopolitique mondiale dominée par une poignée de monarques, de financiers et d’ecclésiastiques qui tirent toutes les ficelles. Tous des hommes. Ça les énerve d’ailleurs un peu qu’une dame ose remettre leurs privilèges en question. Ils préfèrent en effet qu’elles demeurent des douces moitié silencieuses, des bonniches dociles ou des catins dévouées. Tout ce que la protagoniste n’est pas. Le scénariste décrit une personne en avance sur son temps qui a confiance en elle et en ses idées qu’elle défend avec conviction, même si elle est reléguée au rôle de potiche quand son Jules rentre à la maison.

Aux pinceaux, Mathieu Bonhomme réalise un travail remarquable. En guise d’incipit, il sert une planche magistrale, faite de gros plans d’un corps féminin en extase. Le mouvement se veut omniprésent alors que le dessin est parfois à l’envers, parfois à l’endroit, voire en diagonale. Les couleurs apparaissent quant à elles quasi psychédéliques. Cette séquence se donne du reste des airs de mise en abyme d’un récit sous le signe de la déstabilisation et du fantasme, sexuel, mais également pour un nouvel ordre. Vers la fin de l’album, une composition similaire, cette fois en bichromie, reprend sensiblement les mêmes éléments et boucle cette deuxième tranche du récit de la vie de la fille de Léopold 1er. Les illustrations sont dans l'ensemble très soignées, particulièrement les regards des acteurs qui traduisent avec beaucoup de justesse les émotions des personnages.

Au final, Charlotte impératrice est un roman sur l’absurdité. Celle d’un univers où les imbéciles peuvent hériter du pouvoir et se voir confier la destinée d’un pays qu’ils ne connaissent pas. Celle d’une époque où le point de vue d’un homme l’emportera toujours sur celui d’une femme. Celle d’une société où un groupuscule d’individus possède tout et trouve cela pleinement défendable.

Par J. Milette
Moyenne des chroniqueurs
7.8

Informations sur l'album

Charlotte Impératrice
2. L'Empire

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Note: 4.5/5 (75 votes)

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L'avis des visiteurs

    minot Le 06/12/2021 à 22:57:56

    Le dessin remarquable de Bonhomme est le seul intérêt de cet album pour moi. Car la lecture de ce second tome m'a profondément ennuyé (pour rester poli). Je n'ai pas été passionné par toutes ces intrigues politiques, et encore moins par les histoires de fesses de tout ce beau (?) monde. Rien de ce que j'ai lu ne m'a donné envie de poursuivre la lecture de cette série.

    Commissaire_Juve Le 08/10/2020 à 19:57:45

    Bien moins bon que le premier tome. On tombe un peu dans les clichés et on s'éloigne trop de l'histoire pour tomber dans le roman de gare. Dommage.

    thieuthieu79 Le 30/08/2020 à 11:29:25

    Dans la lignée de son prédécesseur, "L'Empire" poursuit le périple de Maximilien et Charlotte au Mexique.
    L'histoire est toujours aussi passionnante avec une narration merveilleusement bien ciselée et qui nous tient en haleine.
    L'introduction de personnages aussi sombres et machiavéliques les uns que les autres (Almonte, Bazaine, Meglia) donne encore plus de puissance et d’intérêt à l'univers.
    A coté de cela, on a à faire à une princesse qui prend les rennes du trône et à un Empereur presque Benêt qui n'arrive à rien et s'adonne à une vie pleine de légèreté.
    Bref, en inversant ainsi les rôles, les auteurs renversent l'idée que l'on peut se faire d'un règne impérial et du coup donnent un champ d'accès très large à la narration.
    Le dessin est toujours au niveau avec des personnages puissants, aux expressions vivantes. Les regards sont profonds et les sentiments qu'ils dégagent sont sincères. Les décors mexicains sont au rendez vous avec une colorisation précise et authentique qui renforce davantage l'immersion.
    Un Acte II qui se conclue sur un avenir incertain pour nos empereur et que l'on a hâte de retrouver...

    Erik67 Le 20/08/2020 à 20:51:57

    Tome 2 : L'Empire
    Ce second tome confirme pour moi l'excellente impression laissée par le premier opus. Du coup, je passe la note à 5 étoiles, non pas dans un élan de générosité, mais surtout pour consacrer une bd désormais culte. Il s'agit de récompenser le travail des auteurs par la reconnaissance.

    L'action se situe durant les années mexicaines. Charlotte va devenir l'impératrice pendant que son pitoyable mari s'adonne à ses plaisirs vils et stupides en mauvaise compagnie.

    L'intrigue va évoluer tout le long de ce tome entre l'arrivée et les années de règne dans un état en proie à la guérilla sur fond de révolution en marche. Il y a comme un véritable souffle épique qui fait du bien. On découvre que la charmante Charlotte n'avait rien à envier à sa belle-soeur Sissi.
    Les décisions politiques qu'elle prend sont généreuses tout en étant avant-gardiste. On sait qu'elles couteront très chers. Elle n'a ni le soutien de l'armée, ni du clergé. Cela va être très difficile pour la suite.

    Le graphisme est toujours aussi agréable avec des couleurs chaudes qui retranscrivent la chaleur du Mexique.

    Bref, c'est la série que je recommande à tous les lecteurs de la nouvelle génération. Fabien Nury et Mathieu Bonhomme ne déçoivent pas, bien au contraire !

    Note Dessin: 4,5/5 - Note Scénario: 4,5/5 - Note Globale: 4,5/5

    Yovo Le 16/08/2020 à 20:46:00

    bd.otaku a déjà tout dit et mieux que je ne saurais le faire. Je ne vais donc pas faire trop long:

    Découvrir comment, dans ce 2ème tome, l’héroïne se complexifie, se raffermit et s’élève par l’exercice du pouvoir est exaltant. Mise à mal par l’incompétence ubuesque de son mari, Charlotte est cernée d’ennemis - y compris au sein de son palais - et elle doit mettre en œuvre toutes les ressources que son intelligence lui permet pour garder le contrôle de la situation dans un Mexique inconnu, hostile et dangereux, poussé au bord du gouffre par une violente insurrection et de sombres intérêts.

    Ce destin, cette fatalité, ce romantisme que le scenario met en place avec une méticuleuse précision, le dessin le fait éclore sous nos yeux case après case et c’est un enchantement visuel. La complémentarité parfaite des auteurs est palpable et tous deux réalisent un travail exceptionnel. Mention spéciale aux cadrages audacieux de Matthieu Bonhomme qui servent constamment la narration et renforcent le récit. J’avoue que j’ai eu un peu plus de mal avec la couleur, parfaite pour les décors mais moins bien sur les visages, rendus uniformément oranges par des aplats trop ternes. Hormis ce détail, une telle qualité de réalisation est rare.

    Cet album est superbe et je n’ai aucun doute sur le fait que « Charlotte impératrice » devienne une série majeure.

    bd.otaku Le 31/07/2020 à 22:27:48

    « Charlotte impératrice II : l'Empire » de Fabien Nury et Matthieu Bonhomme paraît enfin chez Dargaud deux ans après le premier tome « La princesse et l'archiduc » et continue de nous enchanter en mettant en scène un drame romantique en cinémascope.

    La structure du drame romantique :

    Cette saga prévue en 4 tomes respecte la composition du drame en trois phases : exposition (tome 1 : l'enfance et le mariage de Charlotte), le noeud (le Mexique : grandeur tome 2 et trahisons tome 3) et la catastrophe (retour de l'héroïne en Europe). D'ailleurs les auteurs parlent d' « actes » et non de « tomes ». La construction de chacun des tomes de la tétralogie est en outre très théâtrale : ils sont composés en scènes et également en tableaux formés de doubles pages – on admire ainsi, au tome 2, le tour de force du tableau du sacre qui reprend la construction de la noce du tome 1 avec en rappel fleurs, colombes et médaillons.

    La « couleur locale » est aussi éminemment présente. Comme le rappelle à nouveau le prologue, le sujet est tiré de l'Histoire. Une fois sur deux les choses dites dans les bulles (sous forme de lettres, de discours ou de dialogues) ont réellement été prononcées ce qui donne une saveur supplémentaire au récit. Matthieu Bonhomme a fourni également un énorme travail de documentation en particulier pour les costumes.

    Mais ce qui évoque le plus l'esthétique romantique dans ce tome 2, c'est le mélange des tons : le « sublime se mêle au grotesque, le beau au laid ». On a ainsi présence de comique avec le général d'opérette mexicain Delmonte et sa tendre moitié (qui fait son double !) mais surtout avec le personnage de Maximilien. Sa coiffure à la mode autrichienne prend tour à tour la forme de cornes de satyre ou d'ailes de papillon et représente de façon imagée son côté lascif et velléitaire ( il papillonne au sens propre !). Il est souvent vu en train d'élaborer des discours ou de prononcer des formules creuses et grandiloquentes. Il n'est jamais montré en action, fait preuve d'une jalousie de mauvais aloi et d'erreurs d'appréciation, se lasse de gouverner au bout de quinze jours et se croit à l'agonie pour un simple bobo au pied ! Il est donc grotesque : même ses mesures généreuses sont tournées en dérision par les auteurs car son aveuglement politique est souligné. A côté de cela, on touche au sublime avec un amour impossible - que Nury et Bonhomme choisissent de développer au mépris de la véracité historique - fait de frôlements, d'entente, de délicatesse et de très gros plans sur Charlotte plusieurs fois en larmes. Bonhomme présente même en une planche complète une scène de confession bâtie sur un champ contre-champ et un gaufrier régulier en douze cases dans laquelle l'héroïne semble se confier non plus au prêtre mais au lecteur. On retrouve ici le thème de « Ruy Blas » et Charlotte émeut au même titre que la reine d'Espagne dans le drame hugolien. Enfin, l'histoire prend déjà des accents tragiques. Comme dans un opéra, il y a en effet une ouverture significative qui orchestre par avance les thèmes à venir : la page de titre et son panorama sur Vera Cruz déserte la nuit avec les ombres menaçantes des époux projetées sur l'eau paraît ainsi de mauvais augure. On observe également des thèmes récurrents : au tome 1, Charlotte et Maximilien assistaient à une représentation de « la force du destin » de Verdi à un moment clé ( la décision de leur envoi au Mexique) ; ce même opéra réapparaît ici lors de la visite de l'ambassadeur français qui va sceller leur sort par son rapport et marquer le début de leur condamnation avec le retrait des troupes françaises. Ce leitmotiv souligne donc qu'ils sont les jouets du destin.

    Une héroïne complexe :

    Si Charlotte apparaît dans ce tome comme une version XIXe de Lady di en étant une princesse malheureuse, humiliée, qui cherche le réconfort ailleurs, soigne les malades du typhus et se préoccupe du sort des pauvres indiens dès son arrivée, la série est loin d'être une hagiographie. Ainsi la scène d'ouverture surprend complètement le lecteur et met à mal une image trop lisse à la Romy Schneider dans « Sissi ». D'emblée, Charlotte apparaît comme un être de chair et de sang. Plusieurs rêves érotiques parsèment ce tome et forment, tant dans leur composition que dans leurs luxuriantes couleurs, un saisissant contrepoint avec la glaciale nuit de noces du tome 1. Les auteurs montrent également qu'elle n'est pas toujours noble et peut devenir machiavélique et piéger Bazaine en se servant de sa concubine Pepita qu'elle fait chanter.

    Ce portrait contrasté de l'héroïne semble doté de plusieurs fonctions. Il contient peut-être une dimension explicative : il souligne les frustrations continuelles auxquelles est confrontée Charlotte qui ne se retrouve finalement ni femme ni mère. Cela crée un suspense : les auteurs sacrifieront-ils à la légende en lui octroyant une relation amoureuse consentie, forcée ? Sera-t-elle mère ? Cette insistance permet aussi une explication clinique puisque petit à petit on comprend ce qui pourra être à l'origine de la folie. Ainsi, on en revient au drame romantique : l'individu broyé par le social. Enfin, ce détour par la fiction historique ne permet-il pas, au-delà du sort « anecdotique » de l'impératrice, de réfléchir sur la société moderne ?

    Une résonance moderne :

    Comme l'indique le titre de la série, la tétralogie met en place une réflexion sur la place de la femme. Dans ce deuxième tome, on remarque dès la couverture une opposition avec celle du premier. Ici, Charlotte est montrée « en majesté » et placée en véritable chef de guerre à la tête d'une troupe dans des couleurs chaudes évocatrices du Mexique, du sang, de la violence et de la passion tandis qu'au tome 1 elle était présentée en frontal, assise, surprise et effarouchée . Elle passe ainsi de jeune fille faible à femme de tête forte et puissante. Elle est très souvent présentée en contre-plongée dans cet acte II : magnifiée, elle siège par exemple debout à la table du conseil, en uniforme, et domine les autres qui sont assis. Elle reçoit même les compliments de son ennemi Bazaine qui l'adoube : « Pardonnez ma franchise, ce pays n'a pas d'empereur mais il a une impératrice. Je vous respecte et je me battrai jusqu'au bout à vos côtés » (p.62). Charlotte prend des décisions, fait passer des lois, gouverne bien mais en sera empêchée par son mari qui veut la remettre « à sa place ». C'est finalement le plus grand drame de l'héroïne comme le souligne en dernière page la reprise des codes graphiques de la pieta qui fait écho la p.2 où Charlotte dans son corset semble emprisonnée dans une cage.

    Mais, comme souvent chez Nury, on a également une réflexion politique. Il dénonce d'emblée l'archaïsme et la vanité de la monarchie avec la présentation du carrosse rococo complètement incongru et plus largement la non répartition des richesses en opposant le luxe et la pompe du cortège impérial et la misère la plus abjecte ( le chien errant qui mange les crottes ou dans un cadrage des plus significatifs , un éclopé qui regarde passer au loin le carrosse ). Comme dans «Katanga », il souligne aussi les méfaits de la colonisation en reprenant l'épisode véridique du calvaire de Pilar. Celui-ci apparaît d'autant plus horrible que rien n'est montré si ce n'est le résultat : des gros plans sur le visage hagard et presque déshumanisé de la jeune fille devenue folle suite à son viol collectif. D'autres exactions de l'armée sont évoquées de façon beaucoup plus crue : les propos -authentiques- de Bazaine sur la politique de la « terre brûlée » mis en récitatif sur des images de massacre comme une justification inacceptable par le lecteur et enfin, dans une distorsion voulue, Charlotte se retrouvant au milieu d'une scène de « tabula rasa » d'un village accusé d'avoir caché des armes de Juarez. Ce dernier épisode semble annoncer certaines pratiques qui auront lieu au Vietnam et en Algérie et indigne à la fois l'héroïne et le lecteur. D'ailleurs on notera qu'à chaque fois que Charlotte explore le pays avec le père Rafaël comme guide, on a des gros plans sur son regard : les yeux de l'héroïne semblent prendre le lecteur à témoin. Enfin, les auteurs soulignent également la collusion de l'église vénale et corrompue (ah, la scène où le nonce du pape engloutit goulûment un éclair !) et des propriétaires terriens qui exploitent sans vergogne les indiens mais ils évitent le manichéisme puisqu'ils mettent également en scène des hommes d'église très vertueux et dévoués.

    Cet acte II est dessiné de main de maître par Matthieu Bonhomme et magnifié par les couleurs chatoyantes de Delphine Chedrut qui guident le regard et permettent d'installer les atmosphères. le dessin en cinémascope nous éblouit à chaque planche ; on a dans ce tome des planches et des intrigues dignes des films de Visconti mettant en scène « violence et passion » et le « crépuscule des dieux ». On s'attend dans l'acte III à du Peckinpah et du Aldrich puisqu'il devrait aborder Camerone et l'exécution de Maximilien. Mais l'on sait d'ores et déjà que c'est une série qui fera date car elle est impériale …

    zepeto Le 10/07/2020 à 13:58:02

    amazing post and very informative, i was looking for itZepeto

    judoc Le 20/06/2020 à 21:08:15

    Dans la continuité du tome 1 et des séries de Fabien Nury en général. Une tension et un suspens permanent pour une aventure emplie d'hommes et de femmes de pouvoir qui luttent corps et âmes pour sauver leurs conditions faites de privilèges et de servitudes.

    Un dessin soigné, qui parvient à travers la diversité des cadrages proposés, à retranscrire les scènes d'action et d'émotion de manière remarquable. La colorisation originale, qui peut déplaire, contribue de mon point de vu à révéler un Mexique miséreux, moite et malade, peaufinant cette série de la plus belle des manières.

    herve26 Le 17/06/2020 à 18:56:16

    Avec ce second volume d'une série qui finalement en comptera 4, les auteurs se sont surpassés. Cet opus est encore meilleur que le précédent. Le dessin de Matthieu Bonhomme est superbe , et même magnifique dans la version noir et blanc que j'ai acquis.
    Côté scénario Fabien Nury mêle adroitement fiction et réalité en donnant sans nul doute un rôle un plus important à Charlotte que ne l'avait réellement .
    Car Fabien Nury fait de l'impératrice une maitresse femme, voire une intrigante, dans un Mexique pauvre et dévasté par une guerre civile qui n'en finit plus.
    Les auteurs décrivent parfaitement ce Mexique dirigé par la bourgeoisie et le clergé , et malmené par les partisans de Juares.
    Les 72 pages de cet album se lisent d'une traite.
    Même en connaissant l'histoire de Charlotte et de Maximilien, les auteurs arrivent encore à me surprendre et me captiver.
    Passionnant !

    Saigneurdeguerre Le 13/06/2020 à 11:19:11

    1864.
    Sur la frégate SMS Novara, Charlotte et Maximilen s’apprêtent à débarquer au Mexique avec l’appui de l’armée française de Napoléon III.

    Une invasion ? Non ! Maximilien, frère cadet de l’empereur d’Autriche François-Joseph s’est vu proposé par des notables mexicains un trône impérial au nom du peuple mexicain, véritable tromperie puisque celui-ci n’a pas été invité à se prononcer. Maximilien et Charlotte rêvent de grandeur. L’occasion est trop belle pour la laisser passer surtout qu’ils sont très mal informés de la situation réelle sur le terrain lorsqu’ils acceptent d’assurer ce pouvoir.

    Ils souhaitent mener une politique libérale, moderniste, et songent au bien-être de la population. Voilà qui ne plaît pas du tout aux conservateurs qui leur ont offert ce trône et qui voient d’un très mauvais œil ces modifications du statut d’un esclavage à grande échelle qui ne dit pas son nom, et qui touche plus particulièrement la population d’origine indienne. Cela plaît d’autant moins à ces « pauvres » riches qu’ils vont devoir payer des impôts ! L’Eglise voit, elle aussi, d’un très mauvais œil l’idée de liberté religieuse. C’est clair, pour elle, que seule la religion catholique doit avoir droit de cité ! Le général Bazaine, commandant des troupes françaises, n’est guère optimiste quant aux chances de survie du régime impérial. Partout la guérilla sévit. L’armée se livre à des massacres ignobles de pauvres gens pris entre le marteau et l’enclume. (Les révolutionnaires ne leur laissent pas le choix.) Si Napoléon III retire ses troupes, l’empire du Mexique s’effondre. L’armée mexicaine est composée de soldats engagés de force et qui désertent à la première occasion. Très vite Maximilien fuit ses responsabilités et ses devoirs d’époux. Il n’est pas amoureux de Charlotte qu’il a épousée pour sa dote. En son absence, c’est Charlotte qui assure le pouvoir. Elle prend des décisions qui fâchent tous ceux qui la soutiennent : gros propriétaires, haut-clergé, militaires…


    Critique :

    Attention ! Si vous êtes passionnés d’histoire et d’exactitude historique, vous risquez d’être déçus (voire de vous sentir trompés) car les auteurs ont pris beaucoup de libertés en faisant de Charlotte une sorte d’impératrice modèle très romantique, très humaniste et en créant des personnages qui n’ont pas existé… Mais de tromperie, il n’y en a point de la part des auteurs car ils mettent bien en garde les lecteurs en précisant qu’il s’agit d’une fiction ! Une fiction qui s’inscrit très bien dans l’humeur de notre époque où, après avoir ignoré la présence des femmes en BD, aujourd’hui la mode est aux héroïnes, laissant aux hommes la plupart des vilains rôles. Dans cette BD qui s’intitule Charlotte, du nom de la seule fille de Léopold Ier de Belgique, fille qui a reçu une éducation de grande qualité toute empreinte de religiosité, on voit l’héroïne dotée de toutes les qualités : très grande beauté, humaniste, idées éclairées, proche du peuple… Mouais ! C’est passer sous silence que l’empereur Maximilien et l’impératrice Charlotte entreprennent d'onéreux aménagements dans leurs diverses propriétés et aux alentours, alors que la situation du Trésor mexicain est catastrophique ! Bref ! Fabien Nury a créé un personnage exceptionnel qu’il met brillamment en scène nous livrant une histoire addictive et passionnante. Matthieu Bonhomme surprend, une fois de plus, tant ce caméléon du dessin est capable de s’adapter à des styles graphiques très variés. Ses dessins se rapprochent fort de ce qu’un film peut offrir avec des gros plans pour mieux capter les émotions des personnages.

    Malgré toutes les immenses qualités du scénariste et du dessinateur, je trouve leur travail fortement gâché par la mise en couleurs de Delphine Chedru. Ses grands à-plats de couleurs ternes me ramènent quarante ans en arrière quand les techniques typographiques ne permettaient pas d’accomplir de magnifiques dégradés de couleurs. C’est dans des cas pareils que l’on regrette de ne pas disposer de la BD en noir et blanc…