C
ôte Est des USA, automne 2016. Petit artisan en bâtiment, Mark est un monsieur tout le monde avec les problèmes classiques d’un monsieur tout le monde. Il essaye fort de faire ce qu’il faut pour rester droit dans ses bottes, mais entre cette élection poisseuse qui s’annonce, son ex qui préfère les avocats à la médiation et les « accommodements » financiers douteux de son associé, il y a de quoi péter un câble.
Apparemment, James Sturm souffre d’un gros coup de blues. Dans Hors-saison, il propose un récit humain poignant et éloquent sur l’état d’esprit d’un pays atteignant une impasse idéologique. Pour l’instant, les conséquences de l’élection de Donald Trump ne sont pas encore d’actualité ; ce qui intéresse le scénariste est de mettre à jour les racines de cette situation au niveau de l’individu. Les remparts moraux n’existent plus, la décence et le respect d’autrui semblent avoir disparu, le constat est sombre et, même avec toute la bonne volonté possible, le sort réservé au héros, pourtant un gars bien, est inquiétant. Lecture grave et désabusée, la dynamique de l’ouvrage ne laisse que peu de répit.
Noir et blanc agrémenté d'un lavis grisonnant, distribution et décors limités, découpage et mise en scène minimalistes, l’album ressemble beaucoup à un film indépendant à petit budget. La routine et les coups du sort rythment le quotidien de Mark, tandis que quelques retours en arrière judicieusement distillés apportent ce qu’il faut de mise en contexte afin d’appréhender les enjeux psychologiques en présence. Cette construction à l’apparence simple s’avère, en fait, finement ciselée et le portrait qui en ressort se montre fort et particulièrement incarné. Sur le plan graphique, l’anthropomorphisme utilisé pour dépeindre les protagonistes étonne sans se montrer vraiment révélateur. Dans le même temps, au pays de Mickey, ce choix ne saurait être totalement gratuit.
Sobre à en devenir quasiment aride, Hors-saison est avant tout un cri du cœur de la part d’un artiste qui voit son environnement social partir en déliquescence. Le résultat n’est pas rigolo, c’est dur, mais c’est comme ça. Après quatre ans de mandat, c’est toujours le cas.
Poster un avis sur cet album