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ne école sert de lieu à l'enseignement, mais aussi, parfois, à des desseins beaucoup moins avouables. Elle peut, par exemple, servir de base aux troupes de la coalition qui ont pris le contrôle du pays après la seconde Guerre du golfe, c'est un point de vue sur la ville formidable. Attention cependant, le moindre geste mal interprété est susceptible de déclencher parmi la population une réaction en chaîne dévastatrice et conduire à l'embrasement. C'est ce qui arriva à Falloujah, le 28 avril 2003.
Michel Welrelin, directeur de la nouvelle collection témoins du monde dont fait partie cet ouvrage, a fait appel à des auteurs qui permettent, en «alliant témoignage et graphisme, de saisir la réalité présente ou passée et se poser en témoins de leur temps et du monde».
Feurat Alani relate son reportage sur la tragédie qui a touché la «cité des mosquées», endroit qui a été particulièrement impactée par les affrontements entre Occident et Orient et surtout, bastion d'une résistance farouche. Au travers du regard de ce reporter qui a vécu le drame, le lecteur découvre les conséquences de ce conflit complexe et, notamment, les dégâts des armes chimiques sur les individus de tous bords et de tous âges. Le beau texte exprime la dure vérité et présente les deux points de vue, américain et irakien. Si l'émotion est présente, l'artiste ne prend pas parti car, de toutes façons, les victimes sont bilatérales. Il n’hésite pas à représenter la violence des actes et des faits, sans surenchère, comme les contrôles drastiques des Nations Unies, ainsi que la chape de plomb qui pèse sur l'ensemble des habitants et la dissimulation de la vérité. La première partie se concentre sur le quotidien du personnage principal et sa vie sous l'occupation. La deuxième se penche sur le fameux uranium appauvri employé lors des combats et l'enquête de Feurat pour porter aux yeux de tous ses terribles répercussions (anomalies génétiques non seulement de la population locale mais effet également sur les soldats et leur descendance).
Les illustrations en noir et blanc d'Halim possèdent le caractère nécessaire pour donner force et impact à un tel sujet. Un trait réaliste, spontané, fiévreux à l'allure de story-board avec un travail de trame «rough» transcrit dimension d'urgence, d'éphémère et de danger du sujet. L'excellent travail au niveau du découpage et des angles de vue confère le dynamisme nécessaire pour s'immerger dans une lecture passionnante.
Mise en lumière édifiante d'un grave problème aux répercussions internationales qui montre que l'homme est finalement son pire et son propre ennemi.
J'avais pris ce titre Falloujah ma compagne perdue dans une autre interprétation comme le deuil d'un mari ou d'un fiancé. En réalité, nous allons suivre le parcours d'un journaliste correspondant à Bagdad qui retourne dans la ville de ses parents pour enquêter sur ce qui s'est passé en 2004 lors de la destruction de cette ville par les américains en campagne contre l'Irak.
Nous savons depuis que les armes de destruction massive de Saddam Hussein n'existaient pas et que tout était une affaire de pétrole. Beaucoup sont morts en croyant défendre un idéal de démocratie alors qu'en réalité, cela cachait de sombres desseins. Mais voilà qu'avec cette BD, j'apprends que les américains ont utilisé une terrible arme chimique et bactériologique à base de plutonium enrichi sur cette malheureuse ville.
On comprendra mieux à la fin pourquoi les habitants se sont alors tournés vers l’État islamique comme pour purger leur haine de l'occupant. Il est question de maladies graves et de malformations multiples dans les naissances. Les experts estiment que c'est pire que ce qui s'était passé à Hiroshima. Et dire que je n'en n'avais pas entendu parler. Il est vrai que les médias se concentre souvent sur des sujets bien plus futiles comme la traite des vaches dans le Lubéron...
Bien entendu, on ne peut que ressortir meurtri par une telle lecture car les faits sont démontrés par le journaliste au terme d'une enquête assez approfondies. Il y aura des témoignages assez accablants et une réalité du terrain qui ne ment pas. Je suis pourtant un occidental mais j'ai honte de ce qui a été fait en cachette à Falloujah. Du coup, on comprend mieux le titre à savoir Falloujah, ma campagne perdue.
Un roman graphique qui nous dévoile le monde tel qu'il est sans rien cacher de la vérité.
La documentation sur les crimes de guerre américains en Irak s'accumule année après année et on reste surpris chaque fois de voir, vingt ans après, comme on s'est habitué à l'indicible. La grande force de la BD est de poser des images sur les évènements, à la croisée exacte entre le documentaire vidéo et l'enquête journalistique. La vision du dessinateur est par définition personnelle et graphique. Le propos du scénariste est lui tout à fait documentaire, presque autobiographique puisque Feurat Alani reprend dans cet impressionnant ouvrage la technique du vétéran du journalisme BD rugueux, l'américain Joe Sacco.
Bien plus graphiques et didactiques que ce dernier, les auteurs de Falloujah nous racontent le retour du jeune étudiant Feurat Alani dans sa ville de Falloujah, là où réside la famille de son père, là où il a passé une partie de son enfance. C'était avant la première guerre d'Irak, avant Daesh, avant les crimes de guerre, les empoisonnements, les bébés sans bras, avant que ceux qu'il connaissait changent de visage, condamnés à la violence, à la guerre et à la haine.[...]
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https://blogs.mediapart.fr/edition/le-monde-de-la-bd/article/150121/la-salle-guerre-americaine-falloujah