L
orsque Colin rencontre Chloé, le coup de foudre se révèle aussi mutuel qu’immédiat. Mais voilà que cette dernière souffre d’une maladie mortelle, dont le principal symptôme est la présence d’un vilain nénuphar qui prospère dans ses poumons. Parallèlement, Chick, le copain du héros, voue à l’écrivain Jean-Sol Parte un culte si intense et dévastateur qu’il n’arrive pas à véritablement s’attacher à sa compagne, Alise. Les deux histoires d’amour sont de toute évidence contrariées.
Il faut avoir du culot pour s’attaquer au chef-d’œuvre de Boris Vian. Après tout, une adaptation est une interprétation qui prend forcément ses aises avec le texte original. Ceci étant dit, Jean-David Morvan respecte les grandes lignes des aventures du quatuor de jeunes intellectuels, désœuvrés et superficiels, et de leur entourage. Mais surtout, il rend bien la fantaisie d’une entreprise qui défie joyeusement les lois de la logique, particulièrement celles des relations entre les individus. L’intrigue est ponctuée de rêveries surréalistes, de numéros de danse parfois farfelus ou de recettes de cuisine pas toujours avenantes, sans oublier le célébrissime pianocktail qui compose des boissons en fonction de la musique jouée sur son clavier. Face à cet univers incongru, le lecteur a deux choix : résister à la folie ou s’abandonner au bonheur d’un conte déjanté.
Le trait de Marion Mousse, sobre et élégant, rappelle celui de Philippe Dupuy et Charles Berberian (du temps de Monsieur Jean) ou encore celui d’Antonio Lapone… et peut-être celui de Lewis Trondheim, notamment dans les décors urbains. La construction repose principalement sur un découpage en trois bandes ; l’artiste n’hésite cependant pas à bafouer les cadres et à intégrer des cases biscornues, concevoir une planche semblable à un vitrail circulaire ou à proposer des dessins sans bordures qui se prolongent dans les gouttières et pourquoi pas sur certaines vignettes. Le traitement en noir et blanc est plutôt intéressant. À défaut de recourir aux couleurs, l’illustrateur remplit ses images à l’aide de larges aplats ou avec des motifs (rayures, hachures, carreaux, etc.) donnant beaucoup de relief à l’œuvre.
Cette relecture de L’écume des jours (une réédition d’un album publié en 2012) convainc et démontre que le récit de Boris Vian n’a pas pris une ride.
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