L
es études en sciences politiques destinent-elles encore à des brillantes carrières ? Certainement pas pour Modi, le gamin de banlieue dont l’un des frères, Bendiougou, purge sa peine d’emprisonnement et le second, Youssouf, joue au caïd en diffusant sa came. Poussé par son ambition et par l’envie de toucher sa part du business familial, l’étudiant décide de mettre à profit ses années à potasser les théories économiques. En parallèle, Samuel est autant pressé par sa mère que par sa copine. Il est temps de se ranger, de prendre un boulot alimentaire et de ravaler sa fierté. À l’opposé de l’échiquier, une élection communale s’annonce. Les jeunes loups sont envoyés convaincre les électeurs boudeurs, et parmi eux, ceux pour qui l’abstention coule à l’intérieur de leurs veines. Les enfants du béton, bien entendu !
On est là, tome inaugural de la prometteuse série En Falsh, édité par la maison Delcourt ne survole pas la problématique des quartiers en quelques pages, mais s’attaque de front à la description d’individus en mal d’avenir. Le rythme du scénario est souvent aussi lent qu’une journée à glander, en bas d’un bloc à attendre un client en vue de lui refiler un morceau de zetla. Et, par séquences, la narration gicle comme le flot de paroles agressives et désespérées d’un bon vieux rap. L’auteur, Oz (Les 5 Terres), compare deux affrontements. Le combat d’une fratrie naviguant dans l’illégalité, où chacun des membres s’estime supérieur aux autres. Puis, les joutes verbales et policées d’un couple de politicards, un maire sortant et une prétendante parachutée, sur fond de campagne municipale. L’intrigue rapproche habilement ces milieux qui, en apparence, sont aux antipodes et, pourtant, se résument, au final, à une jungle de coups bas.
Le récit brille par la finesse de ses seconds couteaux. Suffisamment récurrents au cours de l’histoire, les figurants suscitent un réel intérêt. Ils se succèdent, l’un interprétant le porteur de plat du suivant, et inversement, sans jamais paraître creux. La galerie de personnages hétéroclites fait même corps, réunie dans l’adversité malgré leurs particularités. L’écrivain profite également de tenir le crachoir pour user du langage de la rue. À la fois pauvre en vocabulaire et riche en inventivité, les dialogues sonnent juste.
Le trait de Bastien Sanchez est, quant à lui, fin et rare, à l’instar des parutions de Bastien Vivès ou du travail de Merwan et Fabien Bedouel sur l’Or et le Sang, les aplats de noir en moins. D’un geste souple et économique, le dessinateur capte l’essentiel des attitudes et des fringues de ces protagonistes. Il segmente ses plans et agrémente ses esquisses par une très distinguée bichromie grise qui rappelle évidemment La Haine de Mathieu Kassovitz. Décor primordial de l’ouvrage, les barres d’immeubles sont strictement abordées dans leur horizontalité. Chaque bâtiment est composé du même nombre d’étages, somme toute peu élevé. L’effet de ghettoïsation est obtenu uniquement par la multiplication de ces logements et non par la variation de l’architecture. Un traitement plus vertical par l’insert de tours, typique de certaines cités, aurait cassé la monotonie de la toile de fond tout en maintenant une sensation d’enfermement et d’oppression.
En Falsh est un ambitieuse saga en cinq épisodes, qui à l’image de The Wire, décrit les compromissions des nantis et des déshérités avec comme fil conducteur le trafic de drogue. Les prochains tomes aborderont, dans l'ordre, la bataille des copropriétaires face aux nuisances, le remplacement de la prévention par la judiciarisation, le milieu hospitalier et enfin, l’éducation. En attendant la suite, ne passez pas à côté de ce très bon premier opus qui squatte les bacs de vos libraires avant de s’imposer dignement sur vos étagères !
Bon, OK, c'est pas mal.
Mais, ça ne fait qu'un documentaire en plus sur le traffic de drogues en banlieue...
Comme si on n'avait pas assez de documentaires sur ce sujet sur toutes les chaines de tété...