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ne mère et ses deux enfants partent en vacances à Kingdom Fields, petite station balnéaire anglaise. C'est là qu'elle passait l'été lorsqu'elle était petite. Pour elle, c'est un retour aux sources, vers des souvenirs et des impressions qu'elle veut faire découvrir à Andrew, aux portes de l'adolescence, et Suzie, la cadette.
Jon McNaught ne raconte pas grand chose dans L'été à Kingdom Fields. À première vue, le procédé narratif mis en place par l'auteur peut sembler paradoxal. Pour traduire la pesanteur du temps qui passe, la solution la plus évidente repose souvent sur l'utilisation de grandes cases invitant à l'abandon. Si quelques-unes rythment le récit, l'essentiel repose sur une mosaïque de bagatelles, enfermée dans des gaufriers très denses, comptant jusqu'à vingt-quatre vignettes. L'effet ainsi créé joue sur la décomposition de moments du quotidien ou l'empilement de non-événements. Il n'est en effet pas question d'une temporalité qui s'étiole, quitte à s'oublier, mais bien de minutes, d'heures de plus en plus lourdes, qui anesthésient.
Le propos n'est pas l'exposition de faits. Il s'agit de faire ressentir l'ennui, la lenteur, la multitude d'instants fugaces qui composent une journée... jusqu'à la fin des vacances. Derrière cette monotonie de façade, la subtilité du travail narratif n'en est que plus efficace. Par exemple, lorsque s'opposent les souvenirs merveilleux de l'exploration d'une grotte et la triste réalité de ce qu'est devenue cette plage, avec ses détritus qui se nichent entre chaque rocher. Ou lorsque Andrew semble vaciller entre l'ado traquant le signal 4G uniquement captable au sommet de la colline qui jouxte le lotissement et l'enfant partant explorer un ancien bunker avec un autre gamin rencontré au hasard.
Puis il y a les mouettes, omniprésentes. Elles sont partout. Non pas comme des ombres menaçantes à la Hitchcock, mais comme une évidence. D'une présence qui ne s'explique que parce que leur absence semble inconcevable. Elles font partie inhérente du décor. Leurs cris résonnent et, et avec eux, l'odeur des embruns n'est pas loin. Jon McNaught transforme ce qui semble n'être qu'un gimmick visuel en un ingrédient essentiel à l'ambiance de son scénario. Ces oiseaux suggèrent une atmosphère.
L'été à Kingdom Fields invite à se perdre dans ses saynètes mornes. Il ne faut pas s'attendre à de gros éclat, de crises, de fugues sous un ciel orageux. Il n'est pas question de malaise ou de tristesse. Juste d'un ennui palpable, une mélancolie qui engourdit les sens. Séjourner à Kingdom Field, c'est s'emmerder, mais il faut faire avec... et laisser passer le temps à défaut de mieux. Le talent de Jon McNaught est de rendre l'ensemble étrangement beau et entêtant.
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