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kita vient d’embarquer à bord du Quin Zaza, l’un des derniers dragonniers qui sillonnent les cieux. Le dirigeable est magnifique vu du sol, en revanche la vie sur l’embarcation est autrement plus difficile. Les compagnons de la jeune fille ne lui font pas de cadeau. Elle va devoir s’intégrer et apprendre à descendre les crochets, à actionner le treuil de levage, à manier les harpons, à tirer au foudroyeur et à maîtriser les techniques d’équarrissage. Un sacré programme, mais la petite a du tempérament. Elle fera une parfaite chasseuse !
En vue d’assurer une immersion rapide dans son récit, le mangaka, Taku Kuwabara (Tokkabu) utilise un précédé éculé et néanmoins toujours autant efficace, à savoir donner le rôle de porteur de caméra à un novice. Au fur et à mesure que l’héroïne s’intègre à l’équipage, le lecteur en découvre davantage sur les fonctions et les motivations des protagonistes. L’auteur en profite également pour aborder l’économie du milieu, la pénibilité du travail et les dangers de la tâche. Il sonde ainsi les multiples facettes de son imaginaire et amène par là-même, une touche de réalisme visant à satisfaire les esprits les plus cartésiens. Du point de vue de la structure, ce premier tome est découpé en cinq chapitres dont chaque séquence met à l’honneur un membre du rafiot, de la revancharde Jirô à la pulpeuse Vanabel, de la néophyte Takita au gourmet Mika. De même, l’ensemble des arcs aboutissent à la présentation d’une recette (le sandwich au steak de queue de dragon, le dragon à la diable, la terrine de confit de foie de dragon aux pommes de terre et choux marinés, le salo fumé de dragon au pain noir, la pastrama de viande de dragon façon pirate). Les mangas sur la thématique de la cuisine ont le vent en poupe (Hells Kitchen, la cantine de minuit, Addicted to curry). Cette nouvelle série est un entre deux, surfant sur la vague de la gastronomie tout en proposant des tranches de vie au sein d’un univers légèrement fantastique. Au final, la cadence du récit empêche l’installation d’une véritable intrigue de fond alors que le matériel est disponible, en particulier à travers les dialogues où le scénariste précise que les dirigeables ont été peuplés de condamnés, de bandits et de vagabonds. Un substrat riche permettant de construire aisément une quête à des repentis.
Le dessinateur assure une mise en image de qualité, travaillant avec passion ses ombres. Il appose des traits rectilignes réguliers ou des hachures, à différentes intensités, afin de marquer les plans. Le résultat est souvent monté au gris, accordant de la profondeur aux illustrations de vues célestes. Le graphiste n’a pas recours à des cases incrustées ou déformées. Il aborde plutôt sa planche comme un gaufrier, certes très modulable, et pourtant constamment composé de vignettes rectangulaires séparées par le blanc du papier. L’artiste génère de ce fait du mouvement par la succession des formes des bandes, verticales ou horizontales, serrées ou larges, à la manière de ses homologues issus de la bande dessinée franco-belge. Ce parti pris est un confort de lecture se révélant fort utile notamment parce que les combats sur un zeppelin nécessitent d’avoir quelques repères visuels. Malgré cela, une des chasses demeure peu lisible.
Se payant le luxe de s’affranchir du traditionnel message écologique et du poncif sur le bien-être animal, Drifting Dragons, à l’instar de Gloutons & Dragon, prouve la richesse de la production japonaise qui allie des thématiques aussi variées que l’art culinaire et la fantasy. Le public nippon a d’ailleurs répondu présent, puisque l’animé tiré de la saga est actuellement diffusé aux Pays du Soleil Levant. Vous laisserez-vous tenter par un mets appétissant laissant toutefois, par moments, un arrière-goût moins raffiné ?
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