L
a communauté des Mankîns subsiste au cœur d’une des rares anfractuosités de la roche. Ce peuple y a construit une cité disposant de couches et d’espaces communs où se déroulent des cérémonies de dévotion en l’honneur de Qëb, le géant de pierre. Celui-là même qui a donné naissance aux Hommes et dont le sommeil assure la vie à la collectivité. Car le dieu rêve et ses songes se matérialisent. Les Savôm veillent à ce que les membres du village respectent les rites. Lorsqu’un infidèle est surpris à tailler le grès en vue d’obtenir le sucre primordial, ces gardiens de la doxa le condamnent à mourir dans d’atroces souffrances. Puisque nul ne doit réveiller le divin et qu’aspirer au fluide essentiel, c’est voler une vision au créateur ! De son côté, Ëa chante de sa voix cristalline d’anciens hymnes dans une langue oubliée. Tout son être séduit les sens. Le puissant Dîuk Ormô en a donc fait la promise de son fils, gras et bête comme ses pieds. Seulement, l’inconnu des hauteurs s’éprend de la cantatrice et, secrètement, elle, elle jalouse sa liberté.
Édité par le concours d’un financement participatif, Le Sucre de la Pierre est la première bande dessinée de Hervé Leblan. Mais l’artiste n’est pas un auteur qui se révèle sur le tard. Il a écumé les studios d’animation (Amblimation, Warner Bros, Universal pictures), a illustré quelques couvertures des romans de la collection SF Folio de la maison Gallimard et a écrit et mis en image un conte (La Marches des Géants, éditions Anna Chanel). Son talent a servi d’autres desseins, tout en trouvant toujours une voie d’expression. Alors nécessairement, les pages de l’album interpellent par la maturité du trait, la justesse des postures et la volonté de représenter les émotions. Ainsi les interprètes communiquent parfaitement leurs sentiments. Les années à travailler pour les productions de Steven Spielberg, à Londres, ont aguerri les techniques d’acting du dessinateur. Ce dernier joue tant des mouvements des paupières que des moues tenues du bout des lèvres de ses comédiens. Les décors ne sont pas en reste. Ils constituent une vraie proposition de continent fantastique, à la fois minéral et luxuriant. La faune contribue au dépaysement par les déambulations de minuscules insectes dorés, le danger des arthropodes venimeux et les circonvolutions des volatiles phosphorescents. L’ensemble est joliment mis en couleur. Un mélange de bleu et de vert, avec des vagues de rose et une pointe de lumière, un savant agrégat qui habille l’immensité du granit et sa végétation.
Le visuel du titre emporte une adhésion quasi unanime, à l’inverse du scénario qui s'avère davantage clivant. Le macrocosme créé n’est jamais divulgué aux lecteurs. Les clefs du récit sont distillées progressivement à travers les élucubrations de fanatiques, les chants aux portées métaphoriques et les didascalies évocatrices. À tel point que le déficit d’information rebute ou invite au voyage. Au-delà du mystère du monde et des croyances, la trame narrative se résume à un amour interdit entre deux êtres issus de milieux bien différents. Le paria est isolé, il a des difficultés d’élocution et, pour son plus grand malheur, il tombe sous le charme de la divine héritière. Cette dernière rejette les codes de sa société et aspire à l’ailleurs. Au gré de ce jeu des personnages, le script charrie des thématiques aussi importantes que le prix de l’affranchissement et le contrôle des pensées par la religion.
Parution soignée, Le Sucre de la Pierre se révèle plus profond que la simple fuite d’un couple au sein d’un univers extraordinaire. Âpre en entrée de bouche, le goût s’affine au fur et à mesure des gorgées, jusqu’à la délectation. À relire, surtout !
Le sucre de la pierre est une BD assez onirique sur un monde étrange qui ressemble à notre planète. Il est question de neuf géants tout puissant qui ont crée un monde nouveau ou du moins l'un d'entre-eux. Pour autant, il s'agit surtout de croyances et de religion dont se sert un prêtre dirigeant pour asseoir son pouvoir sur une peuplade primitive vivant dans d'immenses cavernes.
Il est relativement aisé de trouver des arguments pour encenser ou démonter une bande dessinée que l’on aime ou l’on déteste. Cependant, l’exercice s’avère délicat quand l’œuvre est spéciale. En effet, c'est comme une invitation au songe. C'est presque un voyage époustouflant dans un univers d'ailleurs assez hermétique et onirique.
Cette manière de tout relier est sublime mais parfois éprouvante car nous n'aurons pas toutes les explications utiles. Deux mots me viennent à l'esprit pour qualifier cette œuvre : singulière et brillante.
Il est vrai que l'auteur Hervé Leblan a façonné des planches à la beauté asphyxiante voire une élégance du trait omniprésent. On aura droit soit à des plans reculés ou soit des angles plutôt intimistes. Les décors sont absolument fabuleux. Le graphisme est réellement d’un esthétisme absolu avec un trait est fin et précis. En effet, chaque case suggère une profondeur presque démentielle libérant son lecteur abasourdi dans des cadrages relevant du virtuose. On observera également une générosité dans le détail et une lumière exceptionnelle de maîtrise. Graphiquement, c’est plus qu’honnête.
J'ai bien aimé des deux personnages principaux qui forment un beau couple qui se complète. J'ai aimé leur impudeur physique et psychologique dans une férocité crue et presque sensuelle. L’immersion dans cet étrange univers ayant ses propres codes semble être totale et le pouvoir d’attraction irrémédiable.
On vit cet album comme une apnée à la fois sensorielle et tragique dans son déroulé. Il faut juste se laisser emporter par le récit. Je note un petit bémol en ce qui concerne la conclusion de ce récit à moins de considérer d'être à la fin d'un rêve ou au début d'un éternel recommencement. Il est question de liberté mais également d'un triomphe de l'éphémère face à l'éternel comme une prise de revanche sur les dieux.
Pour l'inspiration, je sens des influences un peu diverses comme le film culte « Avatar » de James Cameron ou encore une vieille œuvre BD de science-fiction comme « Le Cycle de Cyann » de François Bourgeon. Que des œuvres de qualité avec un certain dogmatisme !
Je voudrais remercier celui qui m'a permis de bénéficier de cet album et qui se reconnaîtra. C'est tout ce que j'aime et je le dis avec sincérité. A noter une édition tout à fait exceptionnelle qui met le graphisme en valeur. C'est tout à fait dommage que cette sortie soit intervenue dans une période un peu particulière ce qui fait que c'est passé un peu inaperçu. Il s'agit de combler cela car à la fermeture de cet album, persiste une agréable sensation.
Voici un nouvel auteur à découvrir. Et le meilleur est à venir ! Je n’en doute pas. En tout cas, c’est à lire sans aucune hésitation. Je lui réserve la place d’honneur de ma bibliothèque.
Un scénario captivant, un graphisme impressionnant d’une très grande beauté ainsi qu'une fabrication hors pair. Trois éléments pour un mariage flamboyant et quatre étoiles amplement méritées.
Un bon album totalement dépaysant, assez envoûtant, et avec une pointe de folie scénaristique. Un travail qui ressemble beaucoup à ce que fait Jodorowsky. D'ailleurs, l'album m'a fait penser plusieurs fois à Face de Lune, notamment à cause de l'univers onirique mis en place, et dans lequel on est plongé sans connaitre tout le contexte.
Mais l'intégration dans cet univers est relativement rapide et efficace, tant l'auteur et son bagage professionnel sont importants.
On sait tout de suite vers ou on va être emmené, malgré les multiples rebondissements.
Le dessin est maîtrisé, détaillé, expressif et la mise en couleur est lumineuse, pétillante et pleine de vie.
L'ensemble prend corps et devient un monde authentique à part entière, dans lequel on déambule avec délicatesse.
Entre fable, poésie, rêve et romance, Le Sucre de la Pierre est une véritable invitation au voyage imaginaire et mérite plusieurs lectures pour bien comprendre toutes ses subtilités.
Une très bonne découverte.
Lecture des deux premiers avis : il me faut ce livre.
Livre commandé 31€ (28€ + 3€ de port)
Lecture du troisième avis : trop tard je vais recevoir la commande. Rhââââââ
***** commande reçue *****
Dessins : superbes.
Histoire : très bonne.
Résultat : content, j’aime énormément.
Je me suis trop laissé influencer par les 2 avis précédents, si positifs que j’espérais découvrir une pépite ! Mais hélas, ce n’est pas le cas. D’où mon soucis de donner des éléments objectifs quand je poste un avis, pour qu’il puisse au moins être utile à des lecteurs hésitants...
Bref, j’ai trouvé qu’il y avait quelque chose de daté dans cet album, qui m’a fait penser aux productions fantasy des années 80/90, avec ces couleurs à dominantes vertes et mauves. D’ailleurs, la couverture où les personnages semblent détourés et collés sur une mauvaise infographie m’a aussi laissé perplexe.
L’ensemble est très hermétique : une seule unité de lieu, une seule unité d’action, une seule unité de temps... Ce décor unique, bien qu’esthétique, est si sombre et caverneux qu’il en est vite monotone. Et les 2 personnages principaux sont comme des coquilles vides, sans profondeur ni personnalité.
En fait, le procédé utilisé par l’auteur est une espèce de pirouette scénaristique : le lecteur est plongé d’emblée dans un monde très onirique, sans qu’il n’en ait jamais la moindre explication, ni contextualisation, ni justification. C’est un peu facile... Je n’ai donc pas compris grand-chose à ce délire mystico-ésotérique, ni su où l’auteur voulait en venir.
En conclusion, ce n’est pas forcément mauvais mais je suis loin d’avoir été convaincu par cet album, à 28 € quand même !! Reste l'intérêt d'avoir une BD atypique et très rare (500 ex.).
C’est en lisant l’avis enthousiaste de « Yannzeman » qu’il m’a pris de vouloir dégoter absolument cet album. Pas simple au premier abord car celui-ci n’a été édité qu’à 500 exemplaires. Mais le voici désormais, et je dois le dire à ma plus grande joie, en ma possession.
J’adhère totalement à l’avis de « Yannzeman » et il est tellement dommage qu’il ne s’agisse que d’un One Shot.
Bien qu’il reste dans cet album des zones d’ombres, on prend un immense plaisir à tourner les pages et à suivre l’histoire de l’inconnu et d’Ea. L’amour fait faire bien des bêtises et supplante bien souvent la patience et la raison. Surtout quand cet amour de l’inconnu pour la belle Ea doit se faire en pénétrant une secte où le droit de rêver est interdit. Seul le rêve collectif, inventé par le gourou, est acceptable.
La manipulation du peuple par le gourou se révèlera-t-il plus fort que l’amour naissant entre Ea et l’inconnu ? Le peuple se réveillera-t-il de ce cauchemar collectif ? Le dénouement de cette poignante histoire se trouve au bout de ces somptueuses pages avec un graphisme d’une pure beauté qui effectivement offre le même ressenti que le « cycle de Cyann ».
Belle découverte en espérant qu’Hervé Leblan pourra nous offrir dans l’avenir des albums de ce niveau.
J'ai lu cet album d'une traite.
Quelle claque !!!!!!!!
J'ai cru que derrière le nom de l'auteur se cachait un artiste confirmé, sous pseudo, tellement le dessin est impressionnant de maturité. Pour un 1er album, c'est un coup de maitre.
On en prend plein les mirettes, c'est beau, c'est original, c'est dépaysant.
Je me suis surpris à m'arrêter sur des cases, subjugué par le travail accompli.
Ce monde est déroutant, mais dessiné à la perfection, qui le rend crédible et ne déstabilisant absolument pas le lecteur ; et chaque personnage est immédiatement reconnaissable. J'avais ressenti la même chose à la lecture du "cycle de Cyan", de Bourgeon, qui avait réussi à créer de toute pièce un monde imaginaire, sans les repères habituels (des animaux aux plantes et habitations), mais pourtant totalement crédible, totalement cohérent, et foisonnant de détails.
Les couleurs sont de toute beauté, on en prend plein les mirettes, entre couleurs, décors et personnages.
L'histoire n'est pas en reste.
Bien sur, on ne comprend pas tout, parce que ce monde qui nous est présenté est déroutant, échappant (en apparence) à la logique à laquelle nous sommes habitué. Mais je me suis laissé embarquer dans l'histoire de cet inconnu et de ce peuple de la pierre.
J'ai eu l'impression de revivre le choc de la découverte de "la source et la sonde", le 1er tome du "cycle de Cyan" à sa sortie en 1993. A la différence que Bourgeon, son auteur, n'était pas un inconnu, et avait déjà à son actif "les passagers du vent" et "les compagnons du crépuscule", pour nous habituer à son talent.
Hervé Leblan, l'auteur de ce "sucre de la pierre" est un extraterrestre, et je suis bien content de la rencontre de ce type !