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linton Road. Quinze km de chaussée au cœur d’une forêt épaisse. Et des histoires qui circulent, sur un temple mystérieux et des fantômes d’animaux et de Rangers. John Morgan est d’ailleurs l’un d’entre eux. Vivant avec son fils Benjamin, adolescent solitaire épris de Moby Dick, il sillonne cette route inlassablement. Les chevaux et le chien de Ted Le Rouge ont disparu. John soupçonne des braconniers. De la gargote de son ami Sam à la cabane de Lincoln, le solitaire qui vit au bord du Cedar Pond Lake, il cherche des indices. Une nuit, il rencontre deux hommes. Leurs vêtements et leur voiture semblent sortis tout droit des années 30. Ils se présentent comme deux gardes forestiers effectuant leur patrouille et disparaissent en un souffle.
Vincenzo Balzano, dessinateur italien, a travaillé pour Marvel et Boom ! Studios et s’est fait connaître notamment avec Immortal (2013), The Cloud (2016) ou Run Wild (2018). Mettant en images un récit dont il est l’auteur, il approfondit son style si particulier de dessins à l’aquarelle et au lavis. Sa technique lui permet de faire surgir les atmosphères embrumées, poisseuses et angoissantes des bois entourant Clinton Road. Les formes de l’environnement naturel sont diluées et toute lumière artificielle se trouve exacerbée, ponctuant la case jusqu’à l’aveuglement. En bordure, les silhouettes s’estompent pour se perdre dans le flou, l’incertain et l’inquiétant.
L’imagination et le talent graphique de Balzano, rappelant ceux de Dave McKean, sont indéniables. De la case traditionnelle à la double page, en passant par l’absence de délimitation, l’insertion ou l’entremêlement des figures, il balaie toute la palette mise à sa disposition, comme a pu le faire Larcenet dans Blast. Jeu sur les couleurs dominantes, noir et blanc, plans serrés, vastes paysages, plongées, contre-plongées, l’audace picturale est mise au service de ce récit inquiétant, entre étrange et fantastique. Affichant dans son incipit une influence de Stephen King, bercée par Creedence Clearwater Revival et Pink Floyd, Clinton Road est une histoire protéiforme de deuil, de folie et de fantômes.
Une nuit de cauchemar condense le tragique d’une existence. Les apparences sont trompeuses. Les refuges de l’esprit illimités. L’art peut dissimuler aussi bien que révéler. Clinton Road est beaucoup plus qu’une simple intrigue horrifique. Soutenue par une virtuosité esthétique, elle interroge sur la capacité de chacun à faire face à la vérité et à identifier les véritables démons qui peuplent le quotidien.
Un album qui se lit très vite mais qui est vraiment hypnotisant. On est très vite envoûté par le mystère de Clinton Road. L’ambiance qui se dégage du récit est profonde. Cela est du à la mise en couleur assez terne et claire. Le brouillard, la brume ou la neige viennent envahir les décors pour installer un sentiment d'insécurité permanent. Du coup l'atmosphère est lourde, pesante et angoissante tout au long de l'album.
Coté scénario, en revanche, on aurait aimé plus de profondeur dans les personnages, et un background plus riche.
En résumé, Clinton Road est un album graphiquement riche mais à l'intrigue un peu trop légère.