I
ls s'étaient perdus de vue après la défaite du Japon en 1945. Kadomatsu y voit alors presque un signe du destin quand il recroise, dans un Tokyo abîmé, Kawashima, son ancien supérieur, ce dernier n'ayant pas perdu sa fâcheuse tendance à se noyer dans l'alcool. Depuis, les deux hommes tentent, ensemble et avec les autres habitants, de survivre et de se débrouiller dans ce pays amoindri et meurtri, désormais occupé par les Américains.
Des mêmes événements vécus, mais des répercussions et des ressentis différents. C'est à partir de ce postulat que Sansuke Yamada met en scène un duo qui s'oppose et se complète dans leurs personnalités respectives : l'un semble complètement abattu et désabusé, probablement hanté par un traumatisme pesant, l'autre est un épicurien rustre qui retombe toujours sur ses pattes grâce à ses combines. Autour d'eux, des brigands, des yakuzas, des filles de joie, des gens normaux... Tous veulent tirer leur épingle du jeu et les règlements de compte sont monnaie courante. Solidaires et égoïstes, c'est selon. Un tableau bien lourd certes, et pourtant, sous cette couche de noirceur, l'espoir et la bonne humeur refont régulièrement surface. Le premier tome retrace les retrouvailles des anciens soldats, tandis que le deuxième revient sur les origines de la rencontre et, par là-même, lève le voile sur leur lien. Pas de censure, le mangaka montre la réalité nue, crue et aussi cruelle, sur un ton tour à tour comique ou dur. Le langage argotique fait passer la grossièreté par l'humour et apporte un peu de légèreté dans cette histoire finalement très brutale sous ses allures de comédie.
Le style parait assez rudimentaire, presque rétro, cependant, il dégage beaucoup de caractère et renforce ce coté sans fard du scénario. Violence, sexe et mort sont représentés sans volonté de choquer, simplement d'exprimer.
Dressant un portrait dense et sans détour de l'époque et des individus, Sengo passionne et interpelle (sept volumes au total, troisième épisode en juin).
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