U
n matou attrape une souris. Maline, elle ouvre la main du félin en dézippant la fermeture éclaire adossée aux phalanges du chat. Puis, file se cacher derrière une brique. Son ennemi se promène à la recherche du rat lorsque, subitement, il reçoit un lourd coup de massue sur la caboche. La petite bête rebondit et se cache précipitamment. Le greffier regarde partout, en vain. Sortie de nulle part, la bestiole insère une dynamite dans l’arrière-train du minet. Il en a cure, saisit à nouveau la minuscule bête et la projette contre le mur. Une mare de sang dégouline. Il déguste les quelques restes et le rideau tombe. Sauf qu’à l’heure du rappel, le rongeur revenu des enfers souhaite se venger. Le minou, peureux s’enfuit par les coulisses. La course poursuite débute !
Revival édite, en ce début d’année 2020, une intégrale de Squeak the Mouse, du regretté Massimo Mattioli (1943-2019). Un détournement sulfureux de Tom et Jerry, où l’un comme l’autre se seraient laissé aller à leurs plus irrévérencieuses bassesses, tant sanguinolentes que sexuellement explicites. L’avant-propos signé de Maël Rannou explique parfaitement que le conteur du poétique M. le magicien a eu besoin, au tournant des années quatre-vingt, d’une bouffée d’oxygène. Son œuvre Pinky, produit pour un journal catholique, lui permet de vivre confortablement. Mais son désir de création et d’exploration de sujets moins prosaïques se fait de plus en plus ressentir. Avec d’autres artistes transalpins (Tanino Liberatore, Stefano Tamburini, Andrea Pazienza, Filippo Scozzari), il fonde les revues alternatives Cannibale et Frigidaire. Des contrepoints résolument trash, où la squadra va produire des œuvres marquantes au premier rang desquelles la parodie sadique des cartoons trouve une place indétrônable. Il faut préciser que le strip muet ne souffre pas de la barrière de la langue. Deux tomes se sont donc glissés dans l'Hexagone et ont été édités par Albin Michel, en 1984 et 1992, après une prépublication au sein de L’Écho des Savanes. Un troisième opus inédit, spatial et toujours jubilatoire est inséré à cette compilation. Une dernière aventure conçue pour clore la boucle narrative ou de manière à initier au décorum intersidéral emprunté à plusieurs reprises par l’auteur et notamment au cours de Awop-bop-aloobop Alop-bam-boom. Récit publié à l’Association où un mistigri armé d’une tronçonneuse découpe de l’extraterrestre. Tout un programme !
La mise en image est encadrée par un gaufrier uniforme et coloré. Le dessinateur pose précisément son petit théâtre. Son encrage est ferme, son trait est très rigide et dénote des références évidentes à Tex Avery. La morphologie des personnages évolue, les bras s’étirent à loisir, les yeux sortent de leurs orbites, les jambes se rétractent, patinent ou tournoient. Le style du démiurge anime les cases, simultanément figées et en mouvement. Les onomatopées se déforment et les rares phylactères contenant un symbole sont utilisées par les protagonistes en vue de s’entre-tuer. Expérimentant les possibilités du médium, le graphiste ajoute des extraits de films d’horreur, collés à même la planche. Un procédé qu’il abandonne toutefois au fil des pages, même s’il continue de se revendiquer des cinéastes gores. Quant à la gamme chromatique, elle est franche. Les fonds s’habillent de jaune, de rouge ou de vert. Jamais des demi-tons et sûrement pas d’effets pastel.
Squeak the Mouse est assurément la lecture patrimoniale du moment, à la fois féroce et incontournable !
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