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lors qu'Hilda se retrouve bloquée dans un corps de troll, mère et fille ont du mal à réaliser ce qu'il s'est passé. Chacune de son côté, elles en arrivent rapidement à penser que tout Trollbourg aura un rôle à jouer dans cette affaire. L'heure de l'ultime aventure a sonné...
La parution française quelque peu chaotique (environ trois ans d'attente entre chaque tome et un changement d'éditeur en cours de route) ne doit pas induire en erreur : la création de Luke Pearson, tous publics, est pétrie de qualités et c'est peu dire que Le roi de la montagne, sa conclusion, est attendue.
Adaptée par son l'auteur lui-même sur petit écran pour Netflix (la deuxième saison est annoncée pour courant 2020 sur la plateforme), Hilda réunit nombre d'ingrédients qui expliquent son succès. Pour ceux qui découvriraient l'héroïne et son univers, une petite contextualisation peut s'avérer nécessaire : dans un monde merveilleux (au sens littéraire du terme), une jeune fille intrépide et attachante, après avoir côtoyé de près nombre de créatures toutes plus drôles et géniales les unes que les autres se voit contrainte de quitter la campagne avec sa mère pour emménager dans l'enceinte de la ville voisine. Mais l'envie d'évasion et l'appel du grand air sont souvent trop forts pour la gamine et les escapades comme les problèmes se multiplient. Voilà pour le fil rouge.
Hilda c'est avant tout un style graphique qui, s'il surprend, fonctionne rapidement et emporte. Construit au fur et à mesure des albums, il repose sur un trait rond, dynamique et net, ainsi que des couleurs aux tonalités changeantes et surannées du plus bel effet. La fillette aux cheveux bleus et aux bottes rouges se reconnaît au premier coup d'œil (même en troll !) et se distingue par son courage, sa positivité et son altruisme. Sa mère, son « chien-daim » Brindille et Tontu, le nisse de maison, sont également singularisés aussi bien physiquement que dans leurs caractères. Hilda c'est également un véritable conte moderne à l'univers barré (et pourtant cohérent) et des aventures loufoques qui s'enchaînent sur un rythme effréné. Des créatures incroyables - inspirées du folklore scandinave et islandais -, un cadre poétique et des messages forts - le vivre ensemble, la lutte contre les préjugés, la liberté du choix, l'importance de la confiance en soi et aux autres - abordés sans lourdeur ni verser dans le moralisme. Le tout avec la plus parfaite fluidité grâce à des repères clairs et universels. Le foyer, qu'il se réduise à une maison ou s'étende à un village, la relation mère-fille avec ses joies, ses rires, ses petites cachotteries et ses engueulades, la distinction entre le bien et le mal, sont autant de points essentiels auxquels chacun pourra se raccrocher pour s'immerger, s'identifier ou se projeter.
À l'image de son héroïne, l'auteur n'est pas avare d'efforts. En terme de mise en page et de découpage avec une grande diversité de décors, variété dans les tailles des vignettes, les angles ou les cadrages. En terme d'actions et d'énergie, pour surprendre avec des retournement de situations ou jouer sur le rythme, l'artiste fait preuve de générosité sans jamais négliger la lisibilité (le lettrage de Fanny Hurtel et la traduction de Basile Béguerie sont à nouveau à saluer). Ces éléments mis bout à bout font de Hilda un personnage emblématique. De ceux qui, à n'en pas douter, servent de référent à toute une génération de lectrices et de lecteurs.
Luke Pearson offre à sa série un dernier opus brillant, dans la lignée de ce qu'il a proposé de meilleur à son public. La petite fille à l'écharpe et au chapeau méritait bien une telle conclusion.
Lire la chronique de Hilda et la forêt de pierre.
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