À l'hacienda, les femmes triment et les hommes palabrent, quoi de plus normal. Soudain, des cris brisent ce quotidien. Une horde d'individus pris de folie envahit la cour et sème la panique. Bourgeois, contremaîtres et paysans se regroupent, prennent les armes et se tiennent les coudes en cette occasion, faisant fi du rang et de la hiérarchie afin de repousser cette vague de violence. Cependant, cette solidarité forcée se fissure rapidement pour faire resurgir les comportements primaires.
Après un monde de glace (Celle qui réchauffe l'hiver) et la grisaille de la ville (Macadam Byzance), Pierre Place livre une intrigue aride et étouffante. Aussi macabre que mouvementé, Muertos est autant un pur divertissement empruntant aux westerns spaghetti qu'un ouvrage plus profond, comme peuvent l'être certaines œuvres «zombiesques» inspirées de Georges Romero. Le scénariste met en scène son idée des comportements poussés à leur extrême dans les situations de chaos, sur un fond de folklore mexicain très bien rendu, avec notamment la célèbre Muerte. Malgré un nombre de personnages assez important, le lecteur s'y retrouve facilement car ils possèdent leur personnalité propre. Sortent du lot l'idiot, la brute et le poète mais surtout, les riches et les pauvres. Les femmes ne sont pas en reste, elles apportent leur courage et leur sagesse. Muertos ne se cantonne donc pas qu'au récit horrifique mais il propose également une réflexion sur la confrontation entre les réflexes viscéraux et la morale. La gestion du rythme est équilibrée entre les scènes d'action et les dialogues, le suspens est au rendez-vous.
L'ambiance et le style des illustrations rappellent grandement le récent Mondo Reverso. Avec un trait semi-réaliste et un noir et blanc habillé d'aplats de gris, l'artiste propose une excellente partition. Son travail sur le cadrage et le choix des plans génèrent une belle fluidité, autant dans l'action que dans les séquences tendues. De jolies reconstitutions de décors du désert mexicain parsèment les planches et quelques pleines pages ravissent l'œil.
Sang froid et sang chaud se bousculent et se mélangent dans ce récit choral qui décrit la lutte pour la survie sur fond de croyances sud-américaines et de classes sociales. Un très bon moment de lecture, brillamment illustré.
Qu'est-ce qui différencie ce récit de zombies des autres récits de zombies, dont la culture populaire regorge, tous média confondus ?
Le lieu, d'abord, et l'époque : le Mexique du début du siècle, sentant bon la téquila, le chilli et la poussière. OK.
Les références culturelles qui en découlent, évidemment, les morts-vivants se rapprochant plus des créatures du Día de los muertos que de Walking dead.
Le charisme des personnages ? Oui, certes, des personnalités trempées comme on n'en fait plus, des rapports sociaux renversés dans l'adversité, des bagages lourds...
Un graphisme exceptionnel, certainement, un noir et blanc somptueux, une fluidité de cadrages et un rythme millimétré...
Cela suffit-il néanmoins à renouveler un genre omniprésent dont on a déjà l'impression d'avoir fait le tour ? Pas certain. La surprise n'est pas assez grande, le filon pas assez poussé à sa limite, l'histoire encore trop sage, même, pour espérer mettre une bonne claque au lecteur qui en a vu/lu d'autres.
J'ai adoré cet album qui, sans surprise scénaristique, met en scène un groupe qui cherche à échapper à ses poursuivants, une bande de "mort-vivants" appelés Calaveras. Sans surprise certes, mais tout de même superbement mis en scène, avec des rebondissements, des drames et des combats époustouflants.
Le rythme est soutenu et haletant, et nous entraîne avec humanisme dans cette quête de survie.
Le dessin en noir et blanc est très lisible. Les jeux sur les gris et leurs nuances donnent de la profondeur à l'ensemble. Les visages et les expressions sont puissants.
On arrive dès le premier coup d’œil à repérer ou on est, de jour ou de nuit.
De tout ça, il s'en dégage des ambiances et des atmosphères authentiques comme si on était physiquement avec les personnages.
On clôture ce beau One-Shot en ayant passé un excellent moment de lecture et de divertissement.
La fin de l'album est très largement ouverte sur une suite éventuelle, qui j'espère, aura l'occasion de voir le jour.
Les dessins proposés dans cet album sont une belle réussite surtout les pleines pages (pages 79 et 118). Quant à l’histoire elle-même, il est préférable d’apprécier celles qui font des références aux zombies et autres morts-vivants. Cela n’est pas vraiment mon cas. Concernant la fin, à quelques pages du terme de cet ouvrage qui en comporte 150, on la sent venir gros comme une maison…
Des zombies version lutte des classes ! Dans un contexte historique (la révolution sociale mexicaine, les années 1910, sous Zapata). Deux lectures possibles. Première lecture : le récit zombiesque classique (invasion, jeu de massacre, survivants en fuite) : résultat assez jouissif pour l'amateur du genre. Deuxième lecture (en sous-lecture, car visiblement tout le monde ne capte pas la chose) : Et si les damnés de la terre se réunissaient, se révoltaient, trouvaient la force (ici ils sont morts ... plus rien ne les arrête, et plus rien à perdre) … et gagnaient leur révolution ! Le mélange des deux lectures, donne un résultat résolument jubilatoire ! En bref cela va bien plus loin qu'une lambda histoire de zombies ! Lecture hautement conseillée ! Revolución !
Muertos, c'est mortel, une tuerie! Tout d’abord l'objet album, superbe ouvrage cartonné au dos toilé qui sent bon le livre chaud et qui tient bien en main. On a de suite envie de le dévorer. Puis vient le graphisme, précis, élégant, valsant entre de denses aplats de noirs, lumières fines et contre-jours. Pierre Place maîtrise de mieux en mieux son art pour le plaisir de nos yeux. S'en suit la mise en page, des cadrages qui donnent de la minuscule vignette à la double page, la caméra qui surplombe ou qui rampe, un graphisme maîtrisé qui pose l’étonnement, la stupeur, puis la terreur sur les visages. Puis monte l’histoire, qui relève plus d'un scénario de thriller que de western. La tension est là dès les premières cases jusqu'à la toute dernière. Les cavaleras (qui ne sont pas zombies, faut pas tout mélanger!) engagent une poursuite mortelle derrière un groupe qui représente, par sa composition la société mexicaine du début du 20° siècle, juste avant la Révolution. Mais de cet album pourtant splendide, se pose la question d'un récit trépidant, certes, mais somme toute linéaire, une traque sans merci qui ira jusqu’au bout de sa logique ultime, sans digression, ni retournement. Même si l'on aurait pu attendre quelques sursauts scénaristiques dans le récit de cette aventure délicieusement cadavérique, je trouve que cet album est un évènement graphique exceptionnel en ce début d'année, une prouesse, une réussite qui finalement... m'a tué.