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n 1897, les États-Unis ont arraché les Philippines à l’Espagne. Pendant les années suivantes, ils se livreront à un véritable génocide. Les frères Félix et José, tous deux soldats, font partie du clan des perdants. Le second vit retranché dans un village avec un groupe de combattants dirigés d’une main de fer par le lieutenant Martin Cerezo, lequel refuse de croire que la guerre est terminée. Puis, il y a les guérilleros indépendantistes qui ne sont pas des enfants de cœur. Pour tout dire, ça joue dur dans le Sud-est asiatique.
Après avoir raconté la fin du conflit dans Le désastre, premier des deux tomes de La honte et l'oubli, Gregorio Muro Harriet s’attarde à ses conséquences dans Génocide. L’auteur a réalisé une remarquable recherche documentaire pour écrire ce scénario, comme en témoignent les nombreuses notes, une longue lettre remplie de précisions sociopolitiques ou des dialogues plombés par des détails historiques qui leur donnent un ton artificiel. La lecture se révèle âpre, elle demande beaucoup d’attention et il est parfois nécessaire de reculer de quelques pages pour s’assurer d’avoir bien compris. Au final, c’est la fluidité de l’histoire qui en pâtit et le lecteur a du mal à s’attacher aux protagonistes.
Alex Macho propose un dessin réaliste teinté d’expressionnisme. Comme les acteurs pullulent et que les militaires sont tous habillés de la même façon, il est par moments difficiles d’identifier les personnages, d’autant plus qu’ils ont très souvent le visage déformé par la colère, la souffrance ou la douleur. Les illustrations se montrant complexes et les phylactères souffrant d’embonpoint, les vignettes apparaissent trop chargées. Et comme l’espace entre les cases est fréquemment limité, voire inexistant, c’est toute la planche qui semble sursaturée d’information. Une bande dessinée exigeante, quoiqu’instructive.
Cet avis vaut pour les deux opus de cette série qui est terminée.
Le plaisir: c'est le sentiment que j'ai eu à l'issue de la lecture de ces deux tomes revenant sur le tragique épisode de la guerre entre l'Espagne et les Etats-Unis en 1899 autour des Philippines (colonie espagnole à l'époque).
Je vais essayer de résumer au mieux car il y a masse d'éléments à retenir, au programme donc:
- Des décors magnifiques et bien mis en valeur
- Des dessins corrects et agréables (pas de corps déformés/disproportionnés)
- Des couleurs pas trop criardes
- Un cadre et évènements historiques intéressants car peu mis en avant et peu connus
- Tome 1 page 44: "L'Allemagne ne sera pas celle qui débutera une guerre mondiale" humour quand tu nous tiens
- j'ai eu du mal avec les personnages féminins (physiquement interchangeables surtout dans le tome 1)
- Alternance sur le destin des deux frères (Félix et José) qui se ressemblent beaucoup d'ailleurs
- Quelques clichés (le traître, le supérieur teigneux, l'agent double, le manipulé)
- Les lettres manuscrites sont écrites de façon illisible dans le tome 1, heureusement cela s'améliore dans le tome 2
- Humour noir dans le tome 2: "Nous ne sommes pas un peuple de sauvages" avant d'assister à une exécution bien violente
- Immersion avec les dialogues en philippin, anglais pour les Américains (traduit en bas de chaque page)
L'histoire est menée tambour battant, cela fourmille de personnages et le périple de ces deux frères rejoint la grande Histoire. On sent que les auteurs se sont bien documentés et l'authenticité n'en est que plus criante :)
Tout le monde en prend pour son grade (les Espagnols, Américains, Anglais et Philippins), il n'y a pas de manichéisme et nous avons un discours nuancé et intelligent qui n'oublie pas de mentionner les prisonniers de guerre et autres civils, détenus sur place dans des conditions inhumaines (les grands oubliés de chaque conflit).
Un très bon diptyque qui a le mérite de nous faire découvrir une autre page de l'Histoire.
Un diptyque instructif qui se lit au calme en prenant le temps de le savourer. (Une lecture trop avide peut gâcher la magie !)
Un roman classique mais réaliste sur un fond historique peu connu.
Avis aux amateurs d'Histoire : n'hésitez-pas !
J. Milette a très bien résumé cet album.
Principale qualité, nous apprendre un morceau d'histoire quasiment inconnu des Français notamment le traitement infligé aux Philippins qui ressemble à celui subi par les Amérindiens.
Il faut être au calme et lire cette bd d'un trait pour ne pas être perdu (j'ai confondu les deux frères presque jusqu'à la fin).
Cette lecture, faute d'être divertissante, demeure instructive, d'autant plus que le présent se bâtissant sur le passé, elle aide à comprendre certains aspects de la politique étrangère de nos "alliés".
Si vous racontez cette histoire aux américains, je suis absolument certain qu’aucun ne vous croira. Eux qui se font les chantres de la liberté, comme beaucoup de nos nations devenues démocratiques, auraient du mal à accepter le génocide d’un million et demi de philippins surtout hispanophones car plus au fait des concepts d’indépendance et de liberté (comme écrit page 49 du tome 2). Chaque pays colonialiste porte en soi une part d’horreur et si aujourd’hui, en Europe, nous acceptons, en partie, ce lourd fardeau, je pense qu'il n'en est pas de même pour les Etats-Unis pourtant colonialistes sur le tard.
Cette bd est une abominable histoire entre philippins indépendantistes, espagnols, anciens colonisateurs et américains soi-disant venus libérer mais venus en conquérants.
L'histoire est racontée via deux tomes poignants où tous les poncifs de l’atrocité et de la médiocrité humaine s’enchainent comme d'abominables maillons d’une chaîne monstrueuse.
Le graphisme apporte à l’ensemble un réalisme qui glace le sang engendrant une forme de dégoût sur les capacités de l’homme à haïr et à faire du mal à son prochain.
J’ai été scotché par la qualité de l’ensemble. Et je me dis, si tu parles de cette histoire autour de toi, il n’est pas certain que l’on te croie.
Les aventures des deux frères se poursuivent au milieu de la "grande histoire" et cela est fait de façon intelligente, on ne tombe pas dans un album purement didactique.
J'ai trouvé quelques lourdeurs dans les dialogues quand le scénariste utilise les différentes langues des protagonistes pour faire plus réaliste mais ce n'est qu'un détail.
Le dessin colle toujours aussi bien au sujet et permet de rendre parfaitement bien les scènes de combat.
En résumé, une bonne BD d'aventure de style western qui a le mérite de faire découvrir un pan méconnu de l'histoire des Philippines, de l'Espagne et des États-Unis.