A
n 1521. La Renaissance a vécu, l’ordre religieux règne et la chasse aux hérétiques s’installe. Y a-t-il une place pour celui qui ne croit pas ? Y a-t-il une place pour celui qui ne s’inscrit pas dans le système érigé par les pouvoirs de l’Eglise ? Y a-t-il un salut lorsqu’on est hors de ses castes ? Deux femmes appartiennent à ce groupe de marginaux montrés du doigt et souvent persécutés que sont les saltimbanques. Pourtant, lorsque le chaos menace, lorsque le Malin se manifeste, elles apparaissent comme un recours. L’une manie en experte une faux en forme d’Alpha, héritage d’un symbole païen. L’autre a recours à la magie et semble ne rien ignorer des dangers qui menacent.
Pilgrim Jäger est un bien curieux titre. Pas seulement parce qu’il explore un pan de l’histoire de l’Europe peu visité par les auteurs de Bande dessinée, a fortiori lorsqu’ils sont japonais. Pas seulement non plus parce que l’argument promotionnel de l’éditeur place la barre très haut en brassant des concepts divers. Pour une série supposée « mêler un arrière-plan historique, politique, social et religieux précis… à de la pure héroïc-fantasy ! », ce tome 1 laisse tout de même perplexe, la défroque publicitaire dont on l'affuble semblant un rien trop grande et clinquante pour ce qui nous est donné de lire ici. Ce n’est pas non plus dans le graphisme, qui privilégie les plans rapprochés sur les visages et ne ménage pas ses efforts pour donner du mouvement à l’action, qu’on trouvera matière à réelle surprise. Les joutes en particulier sont souvent extrêmement confuses et les tourbillons gestuels ne facilitent pas la lisibilité de l’ensemble.
Non c’est plutôt l’ambiance générale qui est particulière. Les esprits sont tourmentés, le temps est à la confusion et ce trouble est assez bien rendu. Les incantations – en latin dans le texte – résonnent et hantent les couloirs des cachots. Psalmodiées par des créatures aux âmes troublées, possédées, qui vomissent des poulets (!), la surprise passée, elles contribuent à donner un ton au récit plus efficacement qu’une cohorte de faciès menaçants plus disposés à distiller les anathèmes que le pardon. L’autre surprise vient d’une démarche insolite des auteurs. Toutes les trente pages environ, ceux-ci introduisent une double page de commentaires. Ici pour situer leur récit dans l’époque ou expliquer certains termes ou usages, là pour dénoncer les libertés prises par rapport à la réalité historique. Le lecteur est libre d’apprécier ou non qu’on le considère comme un ignare de première, surtout s’il oublie que l’histoire de l’Europe lui est certainement plus familière qu’à ses congénères nippons. Comme il pourra rouler des yeux devant cette démarche un rien masochiste de ces créateurs qui pointent du doigt les lacunes inhérentes à tout récit de pure fiction. Parce que si c’est pour tenter de nous faire croire que tout le reste est le reflet de la réalité…
Il est trop tôt pour préjuger de l’avenir de cette série. Combien de mangas se sont fourvoyé dès le 2ème tome en empruntant un chemin moins ambitieux et original que leurs pilotes, quand ils ne leur ont pas purement et simplement tourné le dos ? Pour peu qu’elle ne se réduise pas en une succession de combats répétitifs et inintéressants sur fond de course poursuite, on jettera un coup d’œil sur la suite. Les procès inquisitoires à la seule lecture d'un 1er volet, ce sera pour une autre fois.
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