Violette Morris – À abattre par tous moyens, deuxième comparution. L’ambitieuse biographie signée Javi Rey, Bertand Galic, Kris et Marie-Jo Bonnet continue de cerner la personnalité de cette incroyable figure des Années folles. Sa fin tragique sous les balles des Résistants est aussi au programme par l’intermédiaire de l’enquête post-mortem de la journaliste Lucie Gosselin. Quatre auteurs aux manettes, deux trames distinctes intimement entremêlées, il fallait bien ça pour raconter et tenter de comprendre Violette, une femme qui voulait être juste elle-même dans une époque où ça n’était pas toléré.
Sportive accomplie, pilote de course émérite, l’héroïne est surtout une grande gueule qui sait ce qu’elle veut et qui accepte mal les critiques, encore plus si elles viennent des hommes. Ses malheurs ? Vivre dans une nation patriarcale où tout est fait pour que le sexe faible le reste et un ego démesuré qui l’empêche de percevoir les réalités politiques. Les changements de mentalités ne s’imposent pas, ils se distillent et se suggèrent. Écraser la concurrence sur les terrains et les circuits est aisé quand on est la plus forte, faire changer les règles pour plus d’égalité exige d'autres talents. Problème majeur, ça prend du temps et elle n’a pas ce luxe : « Tel que c’est parti, quand ça arrivera, je serai en âge de concourir au 100 mètres fauteuil roulant ! » Outre ce constat imparable, les scénaristes réalisent un superbe portrait d’une grande humanité.
L’autre pan de l’album, la quête de Lucie Gosselin pour la vérité, s’avère également très intéressant. Le chaos régnant en France durant et juste après l’Occupation est particulièrement bien décrypté. Des ordres tombaient de Londres ou d’ailleurs, ceux-ci étaient plus ou moins compris et des actions aux conséquences graves suivaient. C’était la guerre, le temps des questionnements viendrait plus tard, ou jamais. Violette a-t-elle été sciemment visée ou s’est-elle retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment ? Dans l’état, de nombreuses zones d’ombre persistent. Il est fort à parier que le troisième tome apportera certainement son lot de révélations.
La narration parfois alambiquée – les innombrables retours en arrière rendent la lecture ardue par moments – est parfaitement contrebalancée par une excellente mise en images. Le trait est évidemment réaliste, mais conserve toujours une minuscule touche caricaturale. Cet infime décalage ou distanciation rend les personnages infiniment touchants et vivants. Coupable ou innocente ? Collabo par opportunisme ou par idéologie ? Violette Morris était avant tout une battante qui s’était malheureusement mise à dos toute la société.
Poster un avis sur cet album