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Cité irréelle

07/11/2019 3410 visiteurs 6.5/10 (2 notes)

C e premier livre de l'auteur américain D. J. Bryant se compose de cinq récits de longueurs et de styles variables. Ils se rejoignent pourtant par leur manière de présenter chacun un couple en crise et de se moquer des apparences en multipliant les jeux de miroirs et les chausse-trappes.

Dans Echoes into eternity, une jeune femme qui se morfond dans un mariage sans amour tente de retrouver un homme qu'elle a aperçu et qu'elle pense capable de combler le vide affectif qui la ravage. Evelyn Dalton-Hoyt (inspiré de Driven to destruction de Steven Ditko, initialement paru en février 1972 dans Haunted) décrit la relation toxique qui empoisonne un couple jusqu'à les conduire au bord de la folie. Emordana ou l'inflexion du néant sur le cortex visuel, sans doute le segment le plus étrange - et le moins réussi - de ce recueil, présente un drôle de pantomime à tiroirs. La rétrospective Yellowknife, avec sa dynamique cartoonesque, s'amuse à insuffler l'angoisse relationnelle dans une situation délirante. Quant à Objet d'art, qui clôt cette bande dessinée, il laisse un goût amer et faussement optimiste dans un jeu de masques auquel se livrent des personnages paumés en plein désarroi affectif.

Il ne fait pas bon vivre dans la Cité irréelle. L'amour n'est qu'une illusion. Les protagonistes se perdent dans des relations sexuelles froides et sans passion. Sexe mécanique, solitude au carré, souffrance sans rémission. Le dessin très précis évoque certainement Daniel Clowes, même dans la diversité des styles, passant de la raideur clinique d'un Ghost World à la caricature d'un Pussey. Le mal-être relationnel rappelle aussi Adrian Tomine. Le nom de David Lynch est également mis en avant par l'éditeur. Trop souvent, la référence au cinéaste américain est galvaudée, ramenant le la spécificité du travail du créateur de Lost Highway et Mulholland Drive à la simple représentation d'une bizarrerie parfois sans queue ni tête. Force est de constater que dans le cas présent, invoquer une influence lynchienne se révèle cette fois pertinent, surtout pour le jeu de faux-semblants de Echoes into eternity et d'Emordana, qui pourrait passer pour une succursale du club Silencio.

Avec Cité irréelle, DJ Bryant fait une entrée remarquée dans le monde de la bande dessinée. Ce premier essai manque de constance et certaines parties sont franchement inabouties. Mais il y a des belles promesses et il faudra garder un œil sur son auteur, qui pourrait surprendre à l'avenir.

Par T. Cauvin
Moyenne des chroniqueurs
6.5

Informations sur l'album

Cité irréelle

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