T
exas à la frontière avec le Mexique, de nos jours. Liddy tente de vivre de sa terre, mais le climat est rude et les difficultés de toutes sortes. Oscar veut s’extirper de la violence du Honduras et marche vers l’Eldorado californien. Réunis par des circonstances incroyables, ils vont devoir faire équipe. Problème, elle ne parle pas un mot d’espagnol et il ne comprend pas l’anglais.
Paru originellement sur l’excellente plateforme collaborative Panelsyndicate, dont est également sorti, des mêmes auteurs, The Private Eye et, plus récemment, l’excellent Univers ! d’Albert Monteys, Barrier est l’exemple parfait du talent de Brian K. Vaughan pour épingler et développer les sujets de son époque au sein d’un récit plus grand que nature. C’était déjà le cas dans Y le dernier homme et dans Saga, cela l’est encore davantage dans cette aventure mêlant humain et fantastique.
L’étranger et toutes les peurs que l’inconnu génère. La communication ou, plutôt, son absence et l’incapacité de se mettre à l’écoute d’un nouveau venu. Au pays de Donald Trump (l’histoire a été écrite avant l’élection de celui-ci), l’autre, ce sont évidemment les Latinos. Intelligemment, le scénariste évite les amalgames et sépare les criminels (ceux qui menacent la ferme de Liddy, par exemple) des vrais réfugiés qui fuient la misère. Idée osée et géniale, pour souligner l’enjeu central de l'album, les dialogues sont présentés en version internationale : les anglophones parlent leur langue, tandis qu’Oscar et les siens n’utilisent que le parler hondurien. Au lecteur de jouer les interprètes, s’il veut comprendre toutes les subtilités du scénario ! Résultat, malgré ce petit effort de compréhension, le message passe excellemment et s’en trouve même renforcé.
Cadrage cinématographique – l’ouvrage est à l’italienne – et découpage de haut vol, Marcos Martin offre un récital graphique impeccable. Dotés de physiques normaux loin de la perfection douteuse des super-héros, les personnages sonnent particulièrement juste. La mise en scène est aussi à la hauteur. Sur ce point, le troisième chapitre entièrement muet (la contrainte n’est pas gratuite et s’intègre logiquement à la narration) s’avère être une leçon de lisibilité et de dramaturgie dessinée. Pour finir, un mot sur les couleurs audacieuses de Muntsa Vicente qui accompagnent merveilleusement bien cette fable sise aux confins de l’entendement.
Une intrigue de départ simplissime, un traitement minutieux sans concession et deux protagonistes à la psychologie fouillée, Barrier est une réussite, autant sur le plan visuel et qu’intellectuel. À lire et à méditer d’urgence.
Poster un avis sur cet album