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ne planète rocailleuse et désertique, une exploitation agricole chancelante, une adolescente orpheline travaillant chez son oncle et sa tante… Les prémices de Rollergirl sur Mars ont un petit air de déjà-vu dans une galaxie, il y a très très longtemps. Cependant, ceux qui s’attendaient à un remake de La guerre des étoiles risquent de rapidement déchanter. En effet, Jessica Abel se détourne immédiatement de la fantaisie de Georges Lucas et propose une histoire âpre nourrie au féminisme et à une critique à peine voilée du monde capitaliste. Par contre, il ne s’agit absolument pas d’un brûlot politique revendicateur. La recette concoctée par la scénariste est bien plus habile que ça. Bienvenue chez Trish Trash et dans la frénésie du « hoverderby » !
La poussière et les radiations rongent tout, l’eau est rare et une méga-compagnie tient sous sa coupe les habitants de cette colonie déliquescente. Surendettés et exploités, l’existence des « Martiates » est un enfer permanent qui rappelle des pratiques rencontrées dans certaines régions de l’Amérique du Nord du XIXe siècle. Autre parallèle avec les USA, il y a même des Premières Nations sous la forme de Martiens. Ceux-ci sont décrits comme des monstres sans que personne ne les ai jamais vraiment vus ou étudiés. Se rendant compte l’injustice et de l’absurdité de cette réalité socio-économique, l’héroïne va devoir trouver la volonté et les outils afin d’améliorer son sort. Le sport et la célébrité venant avec sont un moyen de s’en sortir, mais les places chères. À force d’abnégation, de nombreux coups et de déconvenues tragiques, la jeune femme va tout essayer pour tenter de réaliser ses rêves. Une question persiste : le prix en vaut-il la chandelle ?
La qualité de l’ouvrage tient dans la description minutieuse de ce microcosme. Chronologie, science et technique, philosophie, l’auteure a méticuleusement figuré tous les détails de cette aventure. Ultime clin d’œil à la société 2.0 qui donne le la au récit : en fin de volume, un vrai-faux dossier façon wikipédia vient renforcer le côté total de la narration. Moins convaincantes, les illustrations s’avèrent en retrait. Pour faire simple, les dessins sont loin de ce qui est habituellement attendu dans le cadre du space opera. Le résultat a plus à voir avec la BD indépendante. Difficile pour la dessinatrice de cacher ses racines. Heureusement, la personnalité attachante de Trish, la tension continuelle et l’intelligence des situations se montrent suffisantes pour capter l’attention du lecteur.
Fable sur le passage à l’âge adulte, leçon d’humanité et apologie du courage personnel, sous ses aspects SF, Rollergirl sur Mars cache en fait un véritable roman initiatique soigneusement pensé et construit. [
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