S
aul Karoo aurait pu être un père aimant, un mari attentif, un ami fidèle et à l'écoute et un écrivain de talent... Mais Saul est un salaud. Doublé d'un con qui n'en fait qu'à sa tête. Aussi, lorsque Jay Cromwell, son principal commanditaire, fait une nouvelle fois appel à ses dons pour sauver un énième film, il n'a pas vraiment l'intention d'y mettre du sien. Mais Saul Karoo est imprévisible...
Publié à titre posthume en 1998, deux ans après la disparition de son auteur, le roman fut acclamé outre-Atlantique par la critique et le public. Et lorsqu'enfin, en 2012, il est arrivé en France, grâce aux éditions Monsieur Toussaint Louverture et leur collection Les grands animaux, le succès a encore été au rendez-vous. Sorte de testament cynique, portant un regard lucide et sans concession sur la société américaine en général, celle du divertissement et des riches New-yorkais qui gravitent autour en particulier, le roman brille par sa distance, son humour et son fatalisme. L'association Steve Tesich - Frédéric Bézian, a donc de quoi faire saliver au vu de la production et de la patte de l'auteur d'Adam Sarlech.
Et de style, il en est effectivement question, tant le travail d'adaptation effectué est prégnant. À la verve insolente et sombre du personnage central, l'artiste haut-garonnais répond par une économie de dialogues et une mise en page sobre et aérée. Là où le verbe du « Doc » new-yorkais dégueulait ses états d'âme et étalait ses réflexions, Frédéric Bézian opte pour une narration à la première personne en voix off qui, paradoxalement, fait la part belle aux silences, aux respirations. Un séquencement pensé et induit par les coupes effectuées dans le texte original qui, s'il ne plaira pas à tout le monde, apporte un angle de relecture nouveau.
Pour autant, son dessin, si caractéristique, ne manque pas d'expressivité. Usant d'une bichromie qu'il affectionne, à dominante blanche, pour habiller ses cent dix-huit planches, l'auteur du Courant d'art la délaisse pour des passages tendance figures rouges grecques lors des séquences où Karoo rêve à son Odyssée. Une alternance qui renvoie au cheminement halluciné et aux décrochages dont Saul, hypocondriaque en plus de ses autres tares, est victime. Un trait sec et vif trace les décors ou chaque personnage avec le même dynamisme, parfois extrêmement lâché. Mais c'est dans la représentation de son héros, être crasse et égocentré, noyé dans ses tourments et ses questions que ce graphisme s'exprime le mieux.
Avec Karoo, Bézian trouve un terrain de jeux à la hauteur de son talent. Une adaptation libre, désarçonnante et à la fois évidente tant l'artiste parvient à réinterpréter une œuvre marquante en en gardant toute la sève.
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L'un des rares albums de Bézian qui ne m'a pas plu. Déjà, je n'ai guère accroché à l'histoire, que j'ai trouvée aussi confuse qu'inintéressante. Mais c'est surtout graphiquement que cet album m'a déçu. Le trait de Bézian est beaucoup moins abouti qu'à l'accoutumée: le dessin apparaît rudimentaire, très dépouillé, à peine esquissé parfois. Pourquoi de tels choix graphiques ? Je ne sais pas.