T
el un document ayant échappé miraculeusement à une apocalypse, il semble manquer des morceaux à The World. Parcellaire, mais suffisamment complet pour avoir un sens, l’album fait la part belle à l’imagination du lecteur. Muet, sauf pour quelques cartons ou intertitres, les dessins guident les yeux et les esprits. Renforçant l’ambiance « messages venus d’outre-tombe », des fiches signalétiques (ou sont-ce juste des pièces d’un jeu oublié ?) clôturent le volume sur une note narrative originale et parfaitement complémentaire.
Si Mœbius n’est pas loin, les racines de l’ouvrage sont plutôt à chercher du côté du Japon. En effet, avec une attaque menée par un robot gigantesque, de petites créatures cagoulées de pied en cap et une sorcière tout droit sortie d’un mauvais rêve d’Hayao Miyazaki, Valentin Seiche ne peut nier l’inspiration manga de sa plume. D’autant plus que cette atmosphère nippone est renforcée par une colorisation reprenant les tons des estampes. Influencé, mais pas écrasé, l’auteur a créé un petit monde bien à lui des plus percutants. Les grandes compositions pleine page, souvent aériennes, font office de case et se détaillent avec malice, tandis que le trait mêlant rondeur et tremblement souligne adéquatement la violence et le désespoir engendrés par les événements.
Curiosité à la saveur extrême-orientale, The World réussit à piquer l’attention grâce à une réalisation surprenante et une bonne dose d’inventivité.
Hasard des publications, deux ouvrages étranges sont parus à quelques semaines d'écart, avec de grandes similitudes à la fois graphiques et dans la démarche de leurs auteurs. Deux prises de risque des éditeurs également puisque nous avons affaire à des albums ayant vaguement la forme de BD mais sans texte (ou quasi) et adoptant une narration qui rappelle plus l'art-book que la BD. Pas évident de trouver son public et super occasion que de voir ces objets hybrides. Qu'est-ce qu'on a donc?
Dans les deux cas il s'agit de projets d'illustrateurs, le français Valentin Seiche pour The World, le néérlandais Pim Bos pour Tremen. Tous deux travaillent dans l'animation et cela s'en ressent par l'importance du seul graphisme pour installer une atmosphère. Dans The World une petite narration pose le récit d'une guerre ancestrale entre robots et magiciens et de l'évolution du monde depuis, alors que Tremen (qui signifie "passage") est totalement muet. Pour ce dernier la post-face de Marc Caro incite à aller voir le court métrage Ghozer de l'auteur... qui ne vous en apprendra pas beaucoup plus pour la simple raison que l'album édité par Dargaud vise avant tout à illustrer des visions graphiques dans un univers cohérent. Et c'est en cela qu'il est intéressant. Beaucoup de com' a été faite sur une pseudo-filiation avec l'Arzach de Moebius. Personnellement je ne vois pas l'intérêt de ce parallèle tant l'itinérance surréaliste et muette n'a pas été inventée par le dessinateur de l'Incal. Il est certain que Metal Hurlant a influencé Pim Bos, comme toute une galaxie d'illustrateurs qui publient chaque jour sur internet des foules d'images fabuleuses mais le projet est bien de donner vie au monde intérieur de l'auteur.[...]
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