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regor Mc Gregor veut être riche célèbre. En compagnie de Jack London, il s’emploie à chercher de l’or dans l’Alaska du 19è siècle finissant. En vain. L’un rencontrera le succès quelques années plus tard en publiant L’Appel de la forêt. L’autre s’embarque pour l’Afrique du Sud, attiré par l’exploitation du diamant. Le 11 février 1907, il découvre une énorme pierre. Il la baptise Bellaciao. Elle changera son destin et celui de bien d’autres protagonistes. Ainsi débute l’épopée d’un caillou, devenu bijou, qui traversera le monde et le temps, où se superposent la grande histoire et des vies personnelles.
Fred Bernard (Jeanne Picquigny), particulièrement connu dans la littérature jeunesse, offre un récit à la fois vaste (douze décennies sont traversées, les personnages sont nombreux) et serré. À chaque étape, l’auteur ne livre que le squelette d’une situation : qui fait quoi, quand et où. L’épaisseur de l’œuvre sera donnée par les images et, particulièrement, par tout ce que le lecteur voudra bien y mettre. Le scénariste ballote son joyau de ventes en vols, de disparitions en restitutions, de cadeaux stratégiques en dons désintéressés. Se succèdent duchesses, actrices, femmes anonymes aussi bien que truands, milliardaires ou traders. Bellaciao multipliera les écrins, du plus soyeux à la rugosité de l’huître. Il est une chose errante, jouet des individus et du hasard. Pérégrination sur fond d’événements historiques (les deux guerres mondiales, mai 68, le 11 septembre), son parcours d’électron jamais libre, mais insaisissable, donne le tournis et transporte dans une autre forme de narration.
Cette aventure constituée de mots placés en légendes de cases tableaux prend sa dimension esthétique et poétique grâce au travail de Jacques de Loustal, illustrateur, qui donna de nombreux chef d’œuvres avec Philippe Paringaux, Jérôme Charyn ou Jean-Claude Götting. L'agencement propose deux dessins par page. Il n’est pas question ici de planches ou de strips. C’est autre chose, un récit illustré, mais aux proportions inversées : le matériau littéraire est ténu, l’image prépondérante. Cette dernière puise son sens dans le texte qu’elle illustre, tout en s’en affranchissant et en allant bien plus loin. C’est ce jeu de miroir infini, emportant le lecteur dans son tourbillon, qui fait l’originalité, l’audace et la beauté de Bijou.
Avec de l’humour, des références à de multiples formes d’expression artistique (peinture, chanson, littérature, bande dessinée), un fort parti pris graphique à contre-courant de la tendance actuelle et une écriture blanche qui évoque celle du Nouveau Roman, Loustal et Bernard démontrent qu’il est toujours possible et nécessaire d’interroger le neuvième art, d’en repousser les limites et de susciter des sensations nouvelles. Bijou est un incontournable.
Je ne comprends pas. Ceci n'est pas une bande dessinée. Juste quelques dessins (2 par page et de plus pas particulièrement réussis) avec des légendes, certes humoristiques. C'est peut-être un livre interpellant mais un incontournable ? Je ne dois pas avoir la même définition de ce mot.
A peine convaincu par le pitch mais emporté par le déroulé et juste la petite dose d'humour décalé qu'il faut.Et puis le trait de Loustal !