S
trasbourg, 1518. La pauvreté et la misère accompagnent la famine et les maladies. Abandonné tant par l’église que le gouvernement, le peuple est à bout. Que faire quand on n'est rien et qu’il n’y a plus rien à manger ou espérer ? La danse. Les gens ont simplement commencé à danser et ne se sont plus arrêtés. Pourquoi ? Pour exprimer leur désarroi, pour s’abandonner totalement ? Des centaines d’habitants de la ville vont tourner et tourner encore, jusqu’à l’extase, jusqu’à la mort.
Anecdote historique attestée, cet épisode de danse de Saint-Guy collective a effectivement eu lieu dans la capitale alsacienne. Jean Teulé en a fait un roman et, après Henriquet et Charly 9, Richard Guérineau une BD. Cette fidèle et élégante adaptation plonge directement au sein du sujet et entraîne le lecteur dans une farandole macabre et désespérée. Les autorités et les médecins tentent bien de donner un sens à ce qui est considéré comme un désordre public, tandis que l’évêque n’y voit qu’une manifestation du démon. De son côté, le scénariste se limite à mettre tout ce beau monde dos-à-dos : la faute en revient à ceux qui laissent souffrir leurs semblables. D’ailleurs, leurs heures sont comptées. Des changements à venir sont clairement annoncés, Luther vient d’afficher ses thèses et l’étranger (les Turcs à cette époque) est prêt à fondre sur l’Occident. La démonstration est simple, sans doute un peu trop et l’ouvrage s’essouffle au cours de la seconde partie.
Heureusement, le ton très vif alimenté par des dialogues parsemés d’anachronismes désopilants et les passages osés de ses bacchanales de fin des temps rendent la lecture réjouissante. De plus, la mise en images se montre tout bonnement excellente. Le trait est assuré et doux en même temps (les regards des protagonistes !) et les couleurs sont exceptionnelles de justesse. Guérineau a atteint une maîtrise remarquable et a fait sien du style piquant des tournures de l’auteur du Magasin des suicides.
Superbe et terrifiante évocation d’un passé mystérieux, un travail graphique éblouissant et une morale convenue, mais tellement universelle, Entrez dans la danse est une invitation impossible à refuser.
Strasbourg n’est pas que la capitale de Noël. Il s’est passé des choses plutôt pas très catholiques en l’an 1518 qui détruiraient sans doute le mythe. Nous avons eu une étrange épidémie qui a frappé les habitants qui se sont mis à danser frénétiquement jusqu’à en mourir d’épuisement. Cela fait d’ailleurs penser à une rave party mais avant l’heure. L’Eglise a réglé le problème d’une manière fort radicale.
A vrai dire, étant habitant de cette ville et connaissant plutôt bien son histoire, je n’en n’avais jamais entendu parler. Je pense que cet épisode a sans doute volontairement été oublié au vu de ce qui s’est passé et que je ne révèlerai point. Bref, c’est extrêmement instructif car l’auteur est allé au fond des choses pour nous expliquer les conséquences que cela a entrainées. Strasbourg est devenue petit à petit protestante et ce n’est pas sans raison.
On n’a jamais trop connu les causes véritables de cette peste dansante : Folie ? Hystérie collective ? Virus ? Conséquence de la terrible famine qui sévissait à l’époque des faits ? Possession diabolique ? ... On pourrait penser à un problème lié à un empoisonnement par du seigle contaminé par une mycotoxine mais ce n’est point établi avec certitude. Le traitement opéré par les scientifiques de l’époque s’est révélé catastrophique. Cela pourrait être amusant s’il n’y avait pas eu plus d’une centaine de morts.
Sur le plan graphique, c’est un petit bijou. Le propos est servi par une magnifique représentation. Les couleurs sont tout à fait adéquates. Même les décors de Strasbourg sont tout à fait bien respectés. J’ai pu reconnaître par exemple le fameux pont du corbeau où Emeline jette son bébé car ne pouvant plus le nourrir.
Avant d’entrer dans la danse, on réfléchira à deux fois. Une flashmob assez mortelle.
Entrez dans la Danse est un album adapté du roman de Jean Teulé.
Dans sa réalisation formelle, la bd est excellente, de beaux dessins le tout dans un cadre dynamique qui se lit très bien.
Dans son histoire, il y a du bon et du moins bon. Le bon c'est le décors, l’événement choisi et l'histoire brodée autour de cet événement. Les personnages sont également réussis, sauf un.
Je reprocherais en effet le côté caricatural de l'évêque et de la représentation de l'Eglise en générale, cupide, stupide et fanatique.
Je ne connais pas la vie de l'évêque en question et la page wikipédia qui lui est consacrée n'apprend pas grand chose. Peut-être était-il cupide et stupide comme il est représenté ici mais personnellement j'ai toujours du mal quand le méchant de l'histoire est représenté ainsi sans contrepartie, sans explication, sans nuance, il est juste cupide, stupide et fanatique, un point c'est tout.
La bd est bonne et se lit bien mais on peut reprocher ce manque de nuance qui gâche un peu la qualité du récit.