C
oup de tonnerre dans l’existence de Yukari : sa mère est atteinte d’un cancer du pancréas. D’abord incrédule, la jeune femme doit se rendre à l’évidence ; le mal est bel et bien là, incurable. Paniquée à l’idée de devoir accompagner dans cette épreuve ultime celle avec qui les relations ont toujours été compliquées, elle peut compter sur sa sœur, infirmière, son mari et sa fille pour affronter cela. Qui sait ? Peut-être parviendra-elle finalement au rapprochement qui lui a longtemps manqué ?
L’irruption de la maladie grave au sein d’une famille fait vaciller chacun de ses membres, les bousculant et les repoussant dans leurs retranchements. Elle peut faire germer la solidarité, tout autant qu’aggraver les failles ou, alors, amener à les combler dans l’adversité. À travers un récit très personnel, Yukari Takinami raconte son expérience et celle de son entourage quand le « crabe » a touché celle qui lui a donné la vie.
De l’annonce du diagnostic aux derniers instants, la narration se déroule au rythme des changements qui impactent chacun. Traitements lourds, rencontres avec les oncologues, effets secondaires dévastateurs, souffrance de la chair et de l’esprit, certitude d’une fin proche, mais aussi retrouvailles et rares moments d’accalmie, chaque étape est mise en scène. Cependant, l’histoire ne verse jamais dans le mélodrame, bien au contraire. Tout en adoptant un ton franc, la mangaka arrive à restituer avec force et simplicité l’ouragan qui s’abat sur les siens. Elle détricote également avec subtilité une relation mère-fille conflictuelle, chargée de vieilles blessures et d’incompréhension mutuelle. Cela suscite des interrogations et des remises en question que la progression inéluctable du cancer maternel ne peut surseoir. Tout passe alors dans des regards, des gestes, des concessions envers la malade, pour finalement fleurir par le biais de paroles longuement contenues.
Quelque peu déroutant au début par son côté un rien exagéré, en particulier au niveau des expressions, le graphisme parvient progressivement à emporter l’adhésion. Dépourvu de fioriture, à l’exception de quelques trames, et parfois caricatural, il va à l’essentiel, montrant sans fard ce qui doit l’être. S’il n’embellit en rien les personnages, il transmet néanmoins leurs émotions avec justesse (peurs, angoisses, joies fugaces), les rendant touchants et proches. Le découpage efficace et la mise en page assurent, eux, une bonne lisibilité.
Chronique autobiographique de deux années hantées par la maladie d’un parent, Te dire merci constitue un témoignage puissant et riche qui mérite d’être découvert.
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