S
anga est un village, situé au Moyen Congo, en bordure de la vaste et mystérieuse forêt équatoriale. Harper, fournisseur peu scrupuleux d’animaux - vivants ou morts - pour des zoos, cirques ou musées, cherche à recruter Simba Lee, le chasseur de fauves. Le commerçant détient une vieille photographie montrant une gigantesque empreinte, aux proportions dignes d’un dinosaure. Peut-être s’agit-il d’un Lukuata, dragon légendaire des contes africains? L’objectif est d’aller là où a été pris le cliché, dans la région de Nianga-Nianga, peuplée par les Pygmées. Pour y accéder, il faut traverser le territoire des Gébélés, redoutés pour leur cannibalisme. Mais Simba Lee n’est pas disponible ; il doit organiser un safari pour le gagnant d’une tombola. Sur ces entrefaites, arrive Christine Navare, fille d’un géologue disparu dix-huit mois plus tôt dans la zone abritant peut-être le monstre convoité par Harper. Contraint et séduit à la fois, Simba Lee décide de guider cette communauté naissante dans un périple qui promet dangers et rebondissements.
Les éditions Fordis poursuivent leur passionnant travail d’exhumation des trésors de la bande dessinée. Dans leur collection Patrimoine, Rio, Guy Lebleu, Michel Brazier ou Esprit du vent sont déjà redevenus accessibles. Simba Lee a été scénarisé par l’immense Jean-Michel Charlier et dessiné par Herbert, un disciple de Jijé. Paru initialement dans Le Journal de Spirou en 1960, cette aventure africaine, dans la lignée de Jungle Jim (Alex Raymond), Tiger Joe et Kim Devil (tous deux œuvres du même auteur), reprend les codes du genre : confrontations aux peuplades autochtones, menace permanente de la faune locale et autre mercantilisme du colon, que les auteurs ne manquent pas d’égratigner.
Ces ingrédients sont ici savamment organisés, pour faire de Simba Lee, non pas un récit de plus de ce style, qui a pu générer le meilleur et le pire, mais une trame narrative savamment orchestrée, où chaque élément fait sens et trouve sa justification. Cette précision et cette fluidité caractériseront l’écriture d’un certain Van Hamme, bien des années plus tard.
Mêlant suspens, péripéties, investigations et humour, Jean-Michel Charlier, dans cette série beaucoup moins connue que Barbe-Rouge, Tanguy et Laverdure, Buck Danny ou Blueberry, y fait la démonstration de sa virtuosité. Le dessin de Herbert ayant particulièrement bien traversé les décennies, les amateurs y trouveront un vrai plaisir de lecture et pourront soutenir cette démarche éditoriale remarquable.
Cette série de second rang du scénariste de génie Jean Michel Charlier (une légende ce type, le dieu vivant de mon enfance!) n'est certes pas marqué du sceau de l'originalité mais elle n'en demeure pas moins plaisante. Ce premier album constitue un récit d'aventure classique et bien ficelé. On y rencontre tous les ingrédients "charlièsques" habituels ainsi que le talent indéniable du scénariste pour mener et rythmer ses récits.
Le dessin de Herbert a quelques choses de contemporain, un côté "jeté" qui fait son effet même s'il ne s'élève pas au niveau des autres dessinateurs attitrés des séries de Charlier: Uderzo, Giraud, Hubinon ou Jijé.