D
ans les premiers Tours, les étapes dépassaient allégrement les trois cents kilomètres et l’assistance technique était proscrite. Mais tout ça, c’est presque anecdotique. En six étapes, Tour de force dévoile d’autres facettes de l’Epreuve (avec un E), humaine plus que sportive. Celles qu’aucun palmarès ou classement ne sait rappeler.
Et un album de plus sur la Grande boucle en cet été 2005 ! Entre les ratages qui pompent et recrachent les gags éculés, un ouvrage académique et historique ( Le meilleur du Tour de France de René Pellos) et un récit épique et émouvant ( L’aigle sans orteils), il restait bien une place à prendre. Celle qui réserve un droit de citer aux petites histoires, aux coulisses, à la mémoire non officielle du Tour à une époque où il était encore une épreuve de force avant de devenir une compétition sportive. Et l’on se gardera bien de vérifier si elles sont véridiques ou non.
Harnachés de boyaux sur leurs machines inconfortables et lourdissimes, ils sont fascinants ces guerriers de la route. Cette route devenue champ de bataille, la compétition comme incubateur et révélateur des bassesses humaines, les éléments déchaînés, au fond rien ne les fait renoncer.
Le trait rappelle la rudesse dépouillée de Brüno matinée d’un quelque chose de Peynet, deux valeurs sures de l’écurie Treize étrange. Certaines perspectives évoquent d'abord, instinctivement, les grandes heures de Van Gogh à Auvers, ce que des tournesols aperçus plus tard confirment dans un savoureux clin d’œil. Le traitement réservé aux roues des véhicules (qu’ils en aient deux ou quatre) est également assez jubilatoire, comme un défi à la physique la plus élémentaire. Bref, on attend déjà le deuxième essai de Frédéric Kinder.
Quel que soit l’obstacle qui se dresse devant eux, « Tête de guidon », « Le mange caillou », « 22 dents ou « L’aviateur des cimes » ne reculent jamais. Comme nous devant un album original qui a quelque chose à raconter.
Tour de force est une bd sur le cyclisme qui se lit en 10 minutes top chrono. Le dessin est plutôt gras et coloré. Il faut aimer ce style graphique.
Je devrais préciser qu'il s'agit d'anecdotes plutôt marrantes sur le tour de France du début du XXème siècle. Je dois bien avouer que le Tour de France ne m'a jamais trop passionné personnellement. J'admire cependant la force qu’avaient les premiers coureurs à une époque où le dopage n'existait pas. Les étapes faisaient plus de 300 Km et il n'y avait pas d'assistance technique. Bref, c'était le règne de la débrouillardise, de la volonté et du courage.
On termine par une nouvelle racontant la période 1914-1919. Le Tour avait été suspendu pendant la Première Guerre Mondiale et de nombreux coureurs avaient laissé leur peau sur les champs de bataille. Ce dernier chapitre plus grave tranche avec la légèreté de l'ensemble.
Or, c'est le seul chapitre qui m'a bien plu. Dans le même genre, j'ai préféré L'Aigle sans orteils de Lax.
Très sympa cette façon de revivre des anecdotes historiques de la grande boucle avant guerre. Le dessin est beau et l’ambiance de l’ensemble tres agreable.