30 janvier 1933, le bar du rez-de-chaussée change son enseigne en hommage au prénom du patron, mais surtout du nouvel élu, tandis que le professeur Karl Stieg commence son nouveau journal. Peu à peu, il constate l'évolution de ses contemporains, les portraits qui fleurissent, le "Heil" qui remplace les "Bonjour/Au revoir", les uniformes para-militaires qui se multiplient en classe, les sous-entendus menaçants de sa hiérarchie sur son non-engagement. Il refuse de se mêler des affaires publiques, mais celles-ci finissent par le rattraper.
Est-ce qu'il est encore possible de raconter quelque chose d’intéressant sur le nazisme ? Entre les témoignages directs de la période, les souvenirs, les reconstitutions, le point de vue des combattants, des victimes, des résistants, des partisans du régime, depuis des décennies, il y a comme une saturation sur le sujet. Chez Adolf prend le parti de la vie quotidienne, selon une trame similaire à celle des romans de Ilse Koehn (Mon enfance en Allemagne nazie) et de Hans Peter Richter(J'avais deux camarades ). L'originalité vient du choix du protagoniste, un quadragénaire ni-ni, un tiède, qui refuse de prendre position, que ce soit dans sa vie privée - il hésite entre deux femmes sans s'engager - comme en politique où il va naviguer entre résistance, indignation, déni et complicité. Et Karl Stieg devient la parabole des masses passives, qui laissent faire, uniquement préoccupées de leur propre confort et qui s'adaptent au mouvement du moment que ce dernier n'est pas trop perturbé. Un personnage réaliste, ni héros, ni salaud qui répond à cette question que l'homme actuel, bien confortablement installé dans son nid douillet démocrate, pose avec arrogance au passé : Et moi, qu'aurais-je fait en 33 ?
Au dessin, Ramón Marcos offre une ligne claire rétro en accord avec l'époque. Une ambiance légère, guillerette, dans une petite ville fleurie, des visages affables et rigolards. L'aspect est en quelque sorte festif - car 1933 est une fête - accentué par une colorisation printanière faite de tons chauds qui peuvent présager, comme sur la couverture, un futur embrasement.
Au-delà de la chronique, en proposant un début de réflexion dérangeante sur la passivité, ce premier tome qui remplit son office et invite à attendre l'issue.
Un cycle tellement historique et humain dans un monde impitoyable ou Mr Toulemonde au pays des nazis: tout est vrai, la peur, l'indifférence, le fanatisme, l'héroïsme, le sordide, le nationalisme, la fierté, la lâcheté...Jusque où notre Karl Stieg va -t-il s'enfoncer et avec lui la nation allemande?
L'année 1933 est marqué par l'entrée officielle des nazis au gouvernement allemand puisque le président Hindenburg a nommé Hitler à la tête de la chancellerie le 30 janvier. Il ne faut jamais oublier que c'est la démocratie qui a permis à un populiste de détruire totalement son pays à l'issue d'une guerre ayant fait 50 millions de morts sur la planète. Il n'y a encore jamais eu pire.
Je me suis souvent demandé comment l'Allemagne avait pu faire une telle erreur de jugement. Mais bon, après bien des années, le populisme est revenu dans nos démocraties et je peux même désormais balayer devant ma porte à l'occasion de ces élections présidentielles. Tôt ou tard, l'inéluctable pourra arriver.
On assiste par les yeux d'un allemand à la montée du nazisme et ses exactions au travers la vie d'un immeuble et d'une brasserie où l'on peut boire une bonne bière en saluant comme il se doit Adolf. Bienvenue dans la taverne allemande façon Gestapo et chasse aux juifs ! Moi, perso, j'aurais envie de fuir à toute jambe.
C'est vraiment par petites touches rapides que la vie du Reich va changer. Même les plus modérés sont obligés d'adhérer de gré ou de force au parti. Il en va de leur vie. Petit à petit, la lâcheté s'installe au milieu d'un climat de défiance. On assistera à la destruction des biens juifs (avant de s'en prendre à leur vie) et des livres hostiles soi-disant à la grandeur de l'Allemagne. Exit Franz Kafka, Ernest Hemingway, André Gide, Sigmund Freud, Stefan Zweig ou Jack London !
Cette nouvelle série n’innove pas vraiment par rapport à ce que j'ai déjà lu sur le sujet de la montée du nazisme. Pour autant, c'est très bien dessiné et plutôt bien construit. J'ai aimé ce nouveau témoignage qui peut toujours être utile pour comprendre les différents rouages d'un système totalitaire. Quand on fustige une catégorie de population, voilà ce que la haine peut donner. Comme dit, plus jamais ça ! Mais comme dit, l'histoire se répète tant qu'il y aura des dictateurs sanguinaires rêvant de conquêtes...
La montée du Nazisme comme tourmente qui emporte tout le monde. Où quand un monde se délite et que la solution semble être dans un retour de l’ordre. Et cet ordre est porté par Adolf Hitler et ses sbires. Les braves gens se laissent emporter par une vague de haine qui ne cesse de croître. Cela commence par un surcroit de discipline pour se muer en supériorité ethnique où chacun veut faire partie de la race supérieure en acceptant les pires aberrations. Ce n’est pas une histoire d’hier que l’on regarde en se disant : « heureusement c’est fini ! ». Non, ce n’est jamais fini comme le démontrent si bien les romans de Todd Strasser « La vague » et de Timus Vermes « Il est de retour ».
Tout commence par le changement de nom du bar, en bas d’un immeuble, que le patron décide de renommer « Chez Adolf » lorsque Hitler devient chancelier. Il invite locataires et propriétaires à venir fêter cela. Quelques résidents juifs sont même de la partie ne pouvant imaginer l’horrible futur qui se prépare. Le professeur Karl Stieg réside lui aussi dans l’immeuble. Et c’est à travers ses doutes et ses hésitations que nous tournons les pages et avançons dans l’histoire jusqu’à l’autodafé et la destruction de tous les livres allant contre le nouvel esprit allemand.
Je suis curieux de connaître dans les albums suivants le chemin que prendra le professeur. Celui-ci semble censé mais quand la vague surgit, il est difficile de lui échapper car elle déverse aussi son écume de peur pour rappeler qu’une vague encore plus grande peut survenir. Comme dans le livre de Kathrine Kressmann Taylor « Inconnu à cette adresse » où rien ne laissait présager que deux très bons amis allaient se haïr jusqu’à un point de non-retour, nous pressentons que les esprits commencent à se modifier.
Heureusement que le ressac peut transporter les foules dans un sens différent. Rodolphe nous offre un scénario, qui sans être d’une très grande originalité, à l’extrême mérite d’exister pour rappeler sans cesse qu’il nous faut être vigilant et ne pas laisser la bêtise, entremetteuse de la haine, ruiner la paix et la liberté. Le graphisme de Ramon Marcos est efficace et sert admirablement la petite et la grande histoire.