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es joliiiiies coloniiiiies de vacances, merci Maman, merci... Poutine ! Comme chaque année, le commandant Ryabkhov ouvre son camp de loisirs nommé en l’honneur du président qui possède une résidence secondaire à quelques kilomètres. Aidé de son fils Anton, il accueille des enfants venus de tout le pays. Mais dans ce lieu sauvage et reculé, le programme affiche clairement que la vie en collectivité et les activités militaires ne visent qu’un seul objectif, les entraîner à devenir de vrais défenseurs de la grande Russie contre ses adversaires de toujours : Européens, Tchétchènes, Ukrainiens et surtout, Daesh. Katyusha, qui vient pour la deuxième fois, espère bien bénéficier de la récompense : une rencontre avec le haut dirigeant, car celui-ci a eu un empêchement précédemment.
Après Amère Russie et Les chiens de Pripyat, Aurélien Ducoudray aborde une nouvelle facette de la terre du froid en explorant les thématiques du nationalisme russe et de l’embrigadement de la jeunesse. Loin de l’esprit scout attendu, les brimades, les corvées et les épreuves imposées finissent par tourner au cauchemar pour les jeunes gens qui se retrouvent les proies d’un guet-apens et vont devoir résister de toutes leurs forces pour survivre. L’adulation démesurée ainsi que le culte qui entoure Vladimir Poutine, très populaire dans son pays, sont très bien retranscrits au travers des personnages, bien campés, dont la psychologie travaillée reflète sans exagération les mentalités slaves modernes de l’ère post-soviétique, assez effrayant. Le rythme bien géré apporte son lot de péripéties qui représentent tout autant de ressorts laissant le lecteur en plein suspens à la fin de ce premier tome.
De nouveau au côté du scénariste, Anlor (À coucher dehors) met la puissance expressive de son style au service de cette intrigue incisive et mouvementée. La mise en scène rythmée se veut naturellement immersive par l'encrage fin et détaillé, ainsi qu'au moyen d''une coloration vive et lumineuse. Le plaisir de lecture est au rendez-vous !
Nouvelle collaboration de qualité pour ce début de série, Camp Poutine, qui propose une vision sans ambages et emblématique de l'opinion du peuple russe pour son mentor.
J'ose espérer que ce genre de camp n'existe pas mais avec la Russie et son culte de la personnalité du leader, tout est malheureusement possible. Les projecteurs sont actuellement braqués sur Donald Trump mais il ne constitue selon son prédécesseur Obama qu'une petite parenthèse de l'histoire. Il faut dire que l'homme le plus riche du monde à l'Est n'est pas en reste.
Ceci dit, ce récit commence par un chant patriotique à la gloire de cet homme dont les femmes sont follement amoureuses. C'est vrai que c'est vraiment risible mais cela se prend réellement au sérieux. L'auteur dévoile une critique à peine voilée de ce régime pas comme les autres qui semble attirer les jeunes. On l'ignore en Occident mais ce dirigeant est très apprécié par son peuple contrairement à ce qu'on pourrait penser. Il faudrait sans doute l'échanger contre le nôtre et on verrait si les choses seraient ainsi à savoir la liberté de manifester. Je précise que c'est une boutade.
Il y a des passages vraiment marrants (comme quand le commandant se tire une balle dans le pied) et d'autres un peu moins notamment vers la fin quand un groupe pourchasse un autre avec des armes meurtrières pour leur faire la peau. On se croirait dans la guerre des boutons mais époque oblige, un cran au-dessus.
Je dois dire que les dernières réalisations d'Aurélien Ducoudray sont particulièrement réussies. J'avais notamment beaucoup apprécié Maidan Love sur la question ukrainienne. J'ai un peu moins aimé ce présent titre qui prend son temps pour installer toute l'histoire d'où certaines longueurs préjudiciables au récit. Pour autant, cela reste une lecture très agréable agrémentée d'un dessin fort réussi.
Si ce volume se termine par des horizons qui peuvent faire penser à une sorte de « battle royale » alléchante à venir, il faut dire que ce premier tome gnangnantise un peu. Ce n’est pas mauvais mais pas flamboyant non plus. L’héroïne Katyusha a été bernée une fois de trop et l’on sent que son désespoir risque de coûter cher à l’initiateur du Camp Poutine.
Le graphisme est bon mais ces cases mangatisées m’énervent un peu. Surtout que ce ne sont pas tous les personnages à être concernés par ce style et toutes ces mimiques débiles. Néanmoins, cette histoire devrait trouver son public chez les amoureux du style Shonen (voire Kodomo).
Cette BD Camp Poutine n’est pas vraiment faite pour moi mais, j’ai pourtant envie de connaître la suite. Étrange…