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Q uand Aude Mermilliod a su qu’elle attendait un enfant, elle n’a pas hésité une seconde avant d’opter pour l’avortement. La procédure s’est bien passée et la patiente a obtenu le support de ses amis et celui de sa famille. La bédéiste en devenir mettra tout de même trois années pour complètement assimiler cette épreuve. Médecin, Martin Winckler milite en faveur du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Non seulement choisir en toute liberté, mais également recevoir un traitement hospitalier respectueux et humain. Les deux protagonistes se sont rencontrés pour échanger sur leurs parcours.

Dans la première moitié de l’album, la chroniqueuse n’omet aucun détail ; elle raconte ses états d’âme, évoque ses sautes d’humeur et témoigne de ses angoisses sans aucune retenue. La séquence de l’avortement est présentée avec les tonitruants vrombissements de la pompe, les récipients qui se remplissent des restes du fœtus, sans oublier le sang s’écoulant du sexe après l’opération. La finalité de cet excès d’authenticité s’avère, au final, un peu nébuleux. La deuxième partie de l’ouvrage se montre radicalement différente. Elle décrit l’itinéraire du professionnel de la santé ; le ton est clinique, presque froid, même si l’approche du gynécologue apparaît teintée d’humanité. Le déroulement est dans l’ensemble assez lent ; des séances de massage meublent trois doubles pages, l’explication détaillée de la chirurgie en demande quatre, une tentative de viol, plus ou moins liée au discours, s’étend sur huit planches.

Bien que l’auteure prenne tout son temps pour installer son propos, le projet a de toute évidence été mené avec une certaine urgence. L’objectif de l’artiste n’est pas de démontrer sa maestria, mais plutôt de transmettre un message. Les vignettes sont grosses, les décors sommaires, voire inexistants, certaines scènes se parcourent d’ailleurs très vite. Cela dit, le dessin est propre, efficace et souvent expressif.

Des générations de femmes se sont battues pour avoir la possibilité de donner, ou pas, la vie. La cause est maintenant entendue, du moins en Occident, même si de temps à autre quelque bouffon d’extrême droite menace mollement de rouvrir le dossier. La bataille publique et politique a été rude ; reste le combat de l’intime et celui-là est plus difficile qu’il n’y paraît. L’intention de la scénariste pourrait se résumer en quelques mots : souvenez-vous que vous n’êtes pas la seule à vivre avec vos doutes, votre ambivalence et votre culpabilité… mais ça finit par passer.

Par J. Milette
Moyenne des chroniqueurs
6.0

Informations sur l'album

Il fallait que je vous le dise

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L'avis des visiteurs

    Erik67 Le 02/09/2020 à 21:42:25

    Quand on est un auteur de bd, on possède un avantage : on peut exorciser ses douleurs intimes en les partageant avec les lecteurs anonymes pour mieux apaiser ses souffrances. Pas besoin d’un psy. C’est assez pratique surtout si cela ne va que dans un seul sens. Bien entendu, les femmes qui ont partagé les mêmes problèmes peuvent trouver du réconfort dans cette lecture. C’est d’ailleurs la raison principale de la démarche de l’auteure. Il fallait que je vous le dise comme indique si bien le titre.

    Cette bd sera à déconseiller à ceux qui manifestent contre le droit à l’avortement dans ce qu’il appelle communément le droit à la vie. On les retrouve également contre le mariage gay ou contre le fait de débrancher une machine. Ce sont à peu de choses près les mêmes réfractaires. Pour autant, je me dis que s’ils pouvaient quand même la lire pour essayer de comprendre que l’avortement n’est jamais une partie de plaisir pour celle qui subit cette épreuve. Si cela pouvait seulement leur faire changer d’avis au lieu de jeter la première pierre.

    J’ai bien aimé le graphisme plutôt sympathique de cette bd qui offre beaucoup de lisibilité avec cette quadrichromie. A noter également l’existence de deux parties. Si la première se penche sur l’expérience vécue par l’auteure dans une sorte d’autobiographie, la seconde sera celle d’un praticien au niveau de la médecine. On s’apercevra de toute l’humanité de ces docteurs dans l’acte de pratiquer l’avortement.

    Au final, deux témoignages assez intéressants sur un phénomène un peu tabou et polémique dans notre société actuelle.

    Au Fil des Plumes Le 28/09/2019 à 15:11:06

    Ce roman autobiographique traite d'un sujet sensible: l'avortement. C'est avec beaucoup de sensibilité et de pudeur que l'auteure Aude Mermilliod nous livre son histoire et son expérience de l'IVG. À travers son histoire personnelle, le lecteur découvre le parcours d'une femme qui se retrouve confrontée à ce choix douloureux. Pour alimenter son récit, Aude Mermilliod a fait appel au témoignage de Martin Winckler, médecin qui dénonce les violences obstétricales.

    Le scénario est construit de façon vraiment intelligente, alternant des moments de la vie de l'auteure avec des moments de la lutte de Martin Winckler pour le droit à l'IVG. Au- delà de l'histoire émouvante, j'ai découvert le combat qu'a été ce droit à l'avortement. Avec beaucoup de justesse, Aude Mermilliod nous livre son ressenti et ses émotions sans tomber pour autant dans le pathos.

    Je pense que certaines scènes de ce roman graphique au sujet fort peuvent choquer. Beaucoup de vignettes dévoilent des corps nus. De manière personnelle, je trouve que ces vignettes sont les plus fortes émotionnellement car elles montrent le corps de la femme dans sa réalité. Je me suis identifiée assez vite au personnage. Bien que n'ayant pas connu cette situation, en tant que femme, je me suis vraiment sentie concernée. Comment ne pas se questionner sur ce qu'auraient pu être nos propres réactions? Ce roman graphique, bouscule et interroge. Il pousse à la réflexion mais dénonce également certaines pratiques obstétricales. J'ai donc découvert "l'envers du décor" avec beaucoup de désarroi. Le récit de Martin Winckler complète donc à merveille le témoignage de l'auteure en ajoutant une caution médicale et historique. Il met ainsi en avant les progrès qui ont été faits mais également, ceux qu'il reste à faire.

    L'esthétique quant à elle s'accorde parfaitement au propos. Les dessins sont assez sobres, avec peu de détails, laissant ainsi toute sa place à l'histoire. Les ambiances de couleurs changent selon la temporalité mais aussi selon le narrateur. Les décors sont minimalistes.

    http://aufildesplumesblog.wordpres..com