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arie, Moïse et Bruce. Trois destins qui se croisent, se lient et s'entrechoquent. Trois visions d'un même lieu, perdu loin de la métropole et (trop) souvent négligé. Bien sous ce Tropique de la violence...
Le roman de Nathacha Appanah est, à juste titre, considéré comme une référence lorsque est évoquée la situation bouillante du centième département français. Gaël Henry savait s'attaquer à une adaptation ambitieuse mais l'auteur parvient à restituer la puissance du texte en l'adaptant avec talent au médium.
Pour réussir son entreprise, il reprend à son compte le principe du récit chorale en le réduisant aux trois personnages cités. Le bénévole de l'ONG et le policier ne disparaissent pas mais sont rendus moins présents au profit de Marie, Bruce et surtout Moïse, qui, au gré des chapitres, deviennent des narrateurs auto-diégétiques. Cette polyphonie crée une proximité, une intimité même, qui plonge le lecteur au cœur du destin et des pensées des protagonistes. Ils en deviennent immédiatement touchants, malgré leurs maladresses, leurs défauts, leurs erreurs. L'effet est encore accentué par le style direct et sans fard des dialogues et des récitatifs. Lorsque Marie partage sa blessure, quand Moïse manifeste sa rage ou que Bruce réclame vengeance, ces sentiments personnels sont ainsi partagés et une connivence est créée. Ce triple regard, peut-être réducteur, de la blanche métropolitaine, de l'immigré déraciné venu chercher une vie meilleure et du natif mahorais en proie à la pauvreté, reflète avec une fausse naïveté la mosaïque qui compose l'île et les problèmes auxquels sont confrontés ses habitants.
Avec une certaine inventivité, comme pour la représentation des fantômes qui hantent le personnage principal, le dessinateur de Jacques Damour exploite à merveille le potentiel visuel de la bande dessinée. Dans son style caractéristique, entre semi-réalisme et caricature, l'artiste retranscrit avec justesse l'urgence dans laquelle la destinée du jeune héros bascule, la violence des échanges ou la dureté de la vie dans ce quartier défavorisé surnommé Gaza. Les choix de mise en scène s'avèrent judicieux. Pas de grands et beaux paysages de plage, mais la densité du bidonville et son terrain escarpé. Les combats de rue remplacent les marchés typiques et si l'océan est omniprésent, c'est pour mieux symboliser l'isolement insulaire. Les teintes, de Bastien Quignon, à l'instar du découpage, font ressortir la misère et la fatalité qui enveloppent l'histoire d'une ambiance lourde, à l'issue inéluctable.
Adaptation réussie qui plaira aux lecteurs du roman et marquera les autres, Tropique de la violence offre un regard saisissant, bien loin des cartes postales, sur une situation préoccupante que le silence et l'indifférence exacerbent.
Là encore, nous avons un bel écrin pour une belle mise en forme mais le fond ne m’a pas séduit. Objectivement, la bd semble bien être réalisée mais le sujet ou plutôt les valeurs véhiculées ne m’ont pas touché.
Nous avons sur l’île de Mayotte une gentille infirmière en mal d’enfant qui recueille un bébé typé qu’une maman abandonne à cause d’un problème de couleur de yeux dépareillée. Il est vrai qu’au moindre défaut, on jette dans notre société. Mais là, ce sont des réfugiés d’îles voisines curieusement moins prospères d’où l’excuse économique.
Malheureusement, plus on est bon dans notre société, moins l’espérance de vie est grande. Elle laisse derrière elle un jeune adolescent de 15 ans qui va sombrer dans la violence à cause de mauvaises fréquentations. Il s’en suivra une véritable descente aux enfers sur fond de drogue et de bandes rivales. L'auteur semble insister sur le fait que toute cette violence qui se passe sur cette île ne semble pas inquiéter la République sachant que Mayotte est rattachée à la France pour des raisons économiques.
J’avoue ne pas avoir aimé, mis à part le début avec cette gentille femme qui a donné tout son amour. Quelque fois, le résultat ne semble pas être à la hauteur des attentes. C’est parfois comme cela sous les tropiques et ailleurs.