L
es "Écoles" qui manipulent le monde sont les piliers du temple de Mannon, idole sanguinaire qui exige d’être rassasiée d’espèces sonnantes et trébuchantes.
Après Gloire à Mammon, Jonathan Hickman saupoudre Une livre de chair de révélations qui apportent autant de réponses qu’elles suscitent de nouvelles d’interrogations. En procédant de la sorte, il relance son récit sur les traces de serviteurs en mal d’émancipation et maintient ainsi son lectorat sous tension.
Sur un découpage en chapitres denses et étouffants, entrecoupés de séquences réduites graphiquement au strict minimum, mais qui permettent quelques respirations, Tomm Coker impressionne par le réalisme de son dessin et l’expressivité quelque peu figée de ses protagonistes. Le sang, la mort, les ténèbres imprègnent les planches d’une trilogie diabolique qui puise toute son intensité dans la minutie d’un encrage et d’une mise en couleurs toute en variations de bruns ou de gris bleus.
Renouant avec brio les ficelles d’un genre qui, au-delà de la surenchère macabre, peine à se renouveler, Black Monday Murder semble vouloir aller plus loin… Reste à savoir jusqu’où ?
Si l’on continue bien évidemment dans ce deuxième tome à suivre l’enquête menée sur la mort d’un dirigeant de la banque Caïna-Kankrin, ces quatre nouveaux épisodes se montrent beaucoup plus généreux en révélations sur les forces occultes à l’œuvre dans le milieu de la finance. Paradoxalement, l’histoire perd à cette occasion un peu du mystère qui faisait sa force (Black Monday Murders 2017, #5-8).
NB : A noter qu’il est recommandé de relire le premier tome avant de se lancer dans la lecture du second afin d’avoir tous les personnages et les liens qui les unissent bien en tête.
Tandis que l’inspecteur Dumas assouvit sa soif de connaissance sur l’ésotérisme, les familles américaines et russes à la tête de la banque règlent leurs comptes. L’histoire cesse dès lors de jouer dans le registre du polar et prend une tournure beaucoup plus fantastique et sanglante qu’à ses débuts. Et c’est sans doute un peu dommage car cette rencontre inévitable avec Mammon me semble précipitée ou du moins arriver beaucoup trop tôt dans le récit. Il eut été préférable, afin de préserver le mystère entourant ce dieu de l’argent, de la réserver pour l’un des derniers épisodes. Aussi, si l’aspect horrifique voire gore était déjà présent par petites touches dans le premier tome, on est désormais en plein dedans et l’on perd donc au passage un peu en subtilité.
Un changement de registre, une accélération du rythme de la narration ou tout simplement un enchantement moindre qui n’enlèvent toutefois rien à la grande qualité du scénario de Jonathan Hickman comme à celle du dessin de Tomm Coker. La conclusion, encore inédite en VO, est attendue avec impatience !
Le tome 1 avait fait partie de mes coups de cœur de l'an dernier, véritable choc proposant une revisitation originale de la cabale fantastique en prenant pour objet l'argent et les banques d'investissement qui organisent le capitalisme financier mondial. La grande réussite du premier volume reposait dans son aspect visuel (où la maquette importe autant que les dessins très forts de Cocker), sur l'insertion de documents textuels développant largement le background de cet univers et sur l'effort de concentration demandé pour attraper des bribes de liens, au sein d'une histoire somme toutes assez linéaire. Je dirais que le volume deux perds un peu de cette nouveauté, de ce mystère en dévoilant un peu trop à mon goût la réalité fantastique de la Caïna-Kankrin. Avec quelques facilités scénaristiques qui raccourcissent fortement l'intrigue on perds un peu du charme pour revenir à une excellente BD mais qui se démarque du coup moins des séries proches. La richesse de cet univers reste néanmoins très grande et le talent des auteurs respire de chaque page. Ayant lu dernièrement Lazarus, dont le traitement hyper-réaliste et mystérieux à la fois est assez proche, je place clairement Black Monday murders au dessus, en espérant que le dernier volume (qui aura un peu de retard car sa parution n'a pas commencé aux Etats-Unis) retrouve le charme noir des débuts.
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