N
ée Élisabeth Amélie Eugénie de Wittelsbach en 1837, impératrice d’Autriche et reine de Hongrie, celle qui signait « Sissi » eut une destinée des moins ordinaires. Mariée très jeune à Franz Joseph de Habsbourg, elle était dotée d’un caractère indépendant peu compatible avec l’étiquette stricte de la cour de Vienne. Ses idées modernes, son refus de se cantonner aux rôles étriqués d’épouse et de mère, son goût pour les voyages, ainsi que son amour pour la culture et le peuple hongrois lui valurent autant d'inimitiés parmi l’entourage impérial que de soutiens dans sa patrie d’adoption. Enviée par beaucoup, elle n’en connu pas moins de poignantes tragédies personnelles et finit poignardée par un anarchiste italien lors d’un séjour en Suisse, en 1898.
Après Edward Much, Giorgia Marras consacre son nouvel album à l’existence de celle qui fut incarnée à l’écran par l’inoubliable Romy Schneider. Point de mélodrame ici, mais une volonté de raconter au mieux la femme derrière l’icône. Le portrait ainsi livré se révèle nuancé et la personnalité d’Élisabeth est présentée avec ses forces et ses faiblesses, ses éclats et ses ombres, sans s’attarder à la juger. Il en va de même pour les autres protagonistes dont les relations avec la souveraine sont exposées sans prendre parti. Les dialogues viennent encore appuyer le caractère affirmé de l’héroïne, tantôt gracieuse avec ceux qui lui plaisent, tantôt acerbe avec ceux qui médisent d’elle ou cherchent à la supplanter.
Commençant par la première grossesse de Sissi alors qu’elle n’a que quinze ans, la narration amorce ensuite un retour en arrière pour évoquer sa rencontre avec son cousin et futur époux, puis se poursuit chronologiquement jusqu’à son assassinat. La scénariste s’attarde sur les événements les plus marquants – mariage, naissances, maladie, voyages, couronnement, défaite de Sadowa, décès de proches - et les passions de la souveraine – son régime alimentaire, sa pratique de la gymnastique, son itinérance, le soin apporté à sa longue chevelure. À l’instar de la constance du rythme, les émotions demeurent comme retenues et transparaissent brièvement à travers des regards appuyés, des sourires, des larmes ou des joues rosissant.
Dans la lignée d’un récit dépourvu de fioriture et d’arrangement, le dessin va à l’essentiel. Il cherche moins à embellir les personnages qu’à en restituer l’apparence la plus naturelle possible. Ainsi, alors que l’artiste italienne reprend les représentations connues de l’impératrice et la figure à certaines occasions particulièrement apprêtée, accentuant sa « beauté », toute relative. Le plus souvent, elle la montre dépourvue de tout colifichet ou artifice, la rendant, de cette manière, plus proche et accessible.
Sissi, la femme au-delà du conte de fée dresse un portrait complet de son sujet, sans l'enjoliver ni le malmener. Intéressant, il ne lui manque qu'un peu de souffle pour le rendre moins long.
J'ai encore l'image de la belle et jeune Romy Schneider en Sissi ce qui correspondait à un conte de fée bien naïf mais qui faisait consensus à une certaine époque. Il est vrai que la récente version de Sissi qui s'apparente selon certains à 50 nuances a jeté un véritable trouble. Les puristes se sont d'ailleurs étranglés.
Moi, je vis avec mon temps et j'ai beaucoup aimé car cela donnait un côté moins conte de fée correspondant d'ailleurs à la réalité historique. Cela tombe bien car c'est également l'objectif de l'auteure Giorgia Marras mais avec les scènes de sexe en moins.
J'ai retenu qu'elle a beaucoup souffert du protocole à la cour comme une autre princesse du nom de Diana. Il est vrai que devenir impératrice n'est pas chose facile et qu'il faut faire des sacrifices dans un monde où l'homme domine. Pour autant, elle va œuvrer à la sauvegarde de l'Empire en tenant un rapprochement avec la Hongrie au bord de l'insurrection.
Elle va perdre sa première fille Sophie puis le jeune héritier du trône Rudolph part la suite à Mayerling. Bref, il y aura beaucoup de drame personnel qui vont l'amener à s'écarter des intrigues de la cour afin de se détacher. Elle sera tout de même rattrapé par un anarchiste italien qui attentera à sa vie dans la ville de Genève en 1898. Triste fin pour une femme exceptionnelle qui a marqué son temps. Oui, on est loin de la romance de cinéma.
Au final, une BD loin des clichés qui a su me convaincre.