C
ertains livres ont la vie longue, originellement sorti en 1991 et régulièrement réédité depuis, Bonjour les Indes fait partie de ceux-ci. Réalisé à six mains et pas des moindres puisqu’il s’agit de celles de Dodo, Ben Radis et Jano, l’album rassemble les impressions d’un long voyage fait en commun de Mumbai à Goa. Mettez vos vaccins à jour, stockez de l’Imodium®, le départ est imminent.
Anecdotes amusantes ou non, longues lettres manuscrites mêlant émotion de la découverte et choc culturel, petites histoires drôles soulignant quelques traditions ou la bêtise du touriste en goguette, recette de cuisine, superbes illustrations et même un amusant jeu de l'oie sur la réincarnation, ce travelogue utilise à bon escient tous les moyens de la bande dessinée. De plus, libérés des contraintes habituelles de la BD grand public, les auteurs mettent en scène leur expédition en toute liberté. Le résultat est tout bonnement somptueux, tant sur la forme que sur le fond.
Formée à l’école Métal Hurlant et cheville ouvrière majeure de la BD Rock, la petite bande est au sommet de son art. Jano et Ben Radis se déchaînent avec de grandes compositions léchées et pleines de vie. Ils varient les styles pour mieux souligner tel ou tel détails et interviennent sans retenue chez l’un et l’autre, toujours pour le mieux. De son côté, Dodo propose des textes piquants passant du journal intime à la carte postale ou au coup de gueule grinçant. En résumé, ils arrivent tous à faire partager l’exaltation provoquée par cette déambulation indienne, galères y compris.
Dans leur bagage, ils n’ont évidemment pas oublié d’emporter leur humour et la lecture est hilarante. Qu’elles soient gentillettes ou vachardes, les piques font mouches. D’ailleurs, une bonne idée n’étant jamais perdue, une partie de ces situations exotiques serviront quelques années après à nourrir Le Grand Karma (Les Closh) ainsi que le deuxième tome des Fabuleuses dérives de la Santa Sardinha.
Au final, cet imposant mélange de souvenirs, de faits et de grosses rigolades a conservé sa force d’évocation et d’évasion. Toute proportion gardée, Bonjour les Indes trouve parfaitement sa place à côté du Poisson Scorpion de Nicolas Bouvier ou de Ti-Puss d’Ella Maillart.
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