Éternel explorateur de l’âme coréenne, Park Kun-Woong (Massacre au pont de No Gun Ri, Mémoires d'un frêne) replonge dans les années de guerre en adaptant Le livre de Jessie, le journal d’un couple et de leur petite fille exilés en Chine durant l’invasion japonaise.
Chronique familiale émouvante et témoignage de premier ordre sur les origines de la Corée moderne, l’ouvrage présente tout en retenue les six années de fuite et de privation endurées par ces courageux patriotes déracinés. Oscillant entre deux pôles : d’un coté, la petite Jessie, l’espoir pour un futur meilleur et, de l’autre, l’attachement à une terre ancestrale à reconquérir. En plus de raconter cette vie de famille exemplaire, le scénario offre un excellent aperçu de la psyché et de la volonté de fer de ces militants fuyant l’impérialisme nippon. Le résultat est imposant, à la limite de l’hagiographie à déclamer la main sur le cœur, mais, paradoxalement, peine à provoquer beaucoup d’empathie. Trop déférent ou simplement ne voulant en aucun cas trahir les mots de ses héros, l’auteur semble s'être complètement effacé. La fable est évidemment très touchante, par contre, elle manque singulièrement d’un point de vue extérieur ou d’une mise en contexte auxquels le lecteur peu féru de géopolitique extrême-orientale pourrait s’accrocher.
Sobriété et concentration s’appliquent également à la mise en image. Avec un trait épais et un N&B très pur, le dessinateur évite volontairement tous les effets de style pour se concentrer uniquement sur les faits. Les horreurs des bombardements sont dépeintes avec une même rigueur journalistique. Dans son ascétisme narratif, Park ne s’autorise qu’une seule entorse quand il s’agit de montrer les émotions, celles provoquées par le danger d’élever une enfant au milieu d’une guerre et celles nées de l’éloignement (physique et intellectuel) d’avec la mère-patrie.
Techniquement sans réel défaut et infiniment respectueux sur le fond, Le livre de Jessie ressemble plus à un long documentaire sur le vif qu’à une fresque romanesque. Il permet néanmoins de mieux appréhender les origines contemporaines de la Corée et l’amour que ses habitants portent à leur nation.
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