L
a pêche Melba, c’est lui. La crêpe Suzette, c’est encore lui. Idem pour la poire belle Hélène. Au tournant du XXe siècle, Auguste Escoffier a transformé le monde de la gastronomie. Son histoire commence pourtant quelques décennies plus tôt, sur les champs de bataille de la guerre de 1870. Alors que la société se délite, il insiste pour préserver un certain art de vivre et s’assure que le bien-manger s’inscrive au menu des officiers. Vers les années 1890, à Londres, il intègre les principes de la structure militaire à l’aménagement d’une cuisine efficace, rapide et savoureuse, puis revient à Paris, au Ritz. Il continue d’impressionner, notamment en réhabilitant des aliments mal aimés, tel l’ail. L’homme fait de la restauration un véritable sacerdoce, tout est pensé, l’exécution, le service, la présentation et, évidemment, le goût. Le destin du maître queux se révèle singulier. Se hissant parmi les premières sommités des fourneaux, il a marqué son époque, autant par ce qui se trouve dans l’assiette que par l’organisation du travail.
Dans ce récit, Rutile explique les différentes facettes du parcours du héros, ses influences et ses inspirations. Le scénario manque cependant d’équilibre. Les premiers chapitres, qui ont pour cadre l’affrontement avec les Prussiens occupent près de la moitié de l’album. Par la suite, les scènes dans les restaurants se suivent et tendent à beaucoup se ressembler. Le bédéphile aurait par ailleurs souhaité comprendre les motivations du protagoniste. Le bougre doit bien avoir eu une enfance, une femme, des enfants ou un canari.
Aux pinceaux, Frédéric Charve démontre une belle polyvalence. Il illustre l’opulence et le dénuement, les blessés de guerre et les animaux dépecés ; son dessin est dans l’ensemble bien fait, les personnages demeurent expressifs (quoique par moments un peu figés), le découpage dynamique et la mise en couleur de Joëlle Comtois contribue également à la joliesse du projet.
Au final, le lecteur se demande tout de même si cette vie mérite une biographie.
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