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hicago dans les années 70. Depuis le décès brutal de son mari, Ava Granger se retrouve seule a la tête de leur agence de détective privé. Déterminée à faire toute la lumière sur son assassinat, elle décide de reprendre l'enquête sur laquelle il travaillait depuis le début. Mais à fourrer son nez un peu partout, elle va rapidement se retrouver face à un ennemi extrêmement puissant qui va lui coller aux fesses autant sinon plus qu'un chewing-gum sous une godasse ! Les armes vont parler, le sang va couler, car c'est de la mafia dont il s'agit.
Après une longue absence, Isabelle Mercier que le bédéphile avait auparavant croisée dans les diptyques Dies Irae en 2003 et Dark en 2007 revient sur le devant de la scène en signant un polar captivant. Dans ce premier tome, et dans le cadre de l'enquête autour du meurtre d'un des époux, elle associe deux protagonistes totalement différents : l'un est une juriste reconvertie dans les investigations d'ordre privé, tandis que le second est un vétéran du Vietnam devenu un laissé-pour-compte. Les qualités de l'ancien combattant seront une aide aussi bien providentielle que nécessaire pour tenter de se défaire des griffes du syndicat du crime, et ce qui serait la cerise sur le cookie, parvenir à mettre un terme une bonne fois pour toutes à leurs agissements crapuleux. À travers un scénario nourri et un développement qui ne souffre d'aucun temps mort, d'une pierre deux coups, l'auteure donnera également l'occasion à son public de se pencher sur une période charnière de l'histoire des USA en arpentant les couloirs du « milieu ».
À lui seul voilà un graphisme qui vaut le détour et qui surtout mérite d'être examiné de près : innovant puisque semblable à des gouaches issues du mouvement contemporain abstrait, chaque case, petites ou grandes, telles à une succession de tableaux, sont des délices visuels. Pour ses grands débuts dans la bande dessinée, Riccardo Colosino qui a fait ses gammes pour quelques périodiques italiens, marque d'emblée les esprits. Ses personnages tout comme ses arrières plans restent en adéquation avec la période seventies et sont convenablement mis en relief par des traits appuyés, symétriques et caricaturaux opérés sur leurs contours.
Pattes d'eph ramasse-bourrier, rouflaquettes mal taillées et grosses pétoires, à mi-chemin entre le Parrain et Thelma et Louise, bien malin est le lecteur qui pourra s'affranchir de Commando Commanda.
C'est vrai qu'Ava Gardner était une belle et grande actrice. Je me souviens encore d'elle dans Mogambo et surtout de Mayerling. L'auteur s'en inspire pour son Ava Granger en modifiant sa couleur de cheveux ce qui peut se révéler un choix utile mais qu'on ne s'y trompe pas.
J'ai bien aimé ce polar mais un peu moins le graphisme assez anguleux de ce nouveau dessinateur italien. Il n'empêche que ce couple fonctionne plutôt bien entre la belle veuve détective et l'indien navajo vétéran de la guerre du Viet-Nam qui mettent le feu dans les milieux mafieux. Il faut dire qu'il y a du ménage à faire entre toutes ces familles qui détiennent des activités illégales sur la côte Ouest des USA.
Un bon point en tout cas pour le scénario qui est très lisible ce qui n'est pas toujours le cas pour les polars.
Pour son nouvel album, l’éditeur alsacien lance l’italien Riccardo Colosimo dans sa première publication BD et l’on peut dire que son style radical ne laissera pas indifférent… La maquette de l’album et l’illustration de couverture sont très pro même si cette dernière aurait pu être plus accrocheuse. L’album se termine sur une ouverture laissant la place à une éventuelle suite en cas de succès des ventes. Je note un unique problème, malheureusement sur la dernière planche, avec un zoom malvenu qui laisse apparaître les traits en escalier d’une mauvaise définition des deux dernières cases. On mettra ça sur l’inexpérience du dessinateur.
Ava granger est détective privée. Pas du type barbouze, plutôt dans le genre militant de la cause environnementale. Lorsqu’elle assiste à des meurtres mafieux elle est sauvée in extremis par un mystérieux colosse qui semble particulièrement efficace pour éliminer les gangsters qui essayent de leur faire la peau. S’engage une fuite où les plus en danger ne sont pas ceux que l’on croit…
La couverture de cet album m’a interpellé et grâce à mon nouveau partenariat avec les Editions du Long Bec j’ai pu découvrir ma première BD cubiste! L’illustrateur italien Ricardo Colosimo nous livre avec cet album quelque chose de jamais vu. Si des dessinateurs se sont déjà expérimentés à de l’impressionnisme en BD (souvent sur des albums traitant de la peinture) comme Smudja ou plus récemment Oriol avec son très réussi Natures mortes, je n’avais jamais vu une telle originalité graphique au service d’une BD de genre, le polar seventies mafieux. Ce qui j’ai vu de plus proche est Low, dessiné par le brésilien Tocchini qui allait aussi loin dans l’exploration graphique extrême… mais devenait de moins en moins lisible. L’utilisation de plats peut également rappeler le travail de Montllo sur Warship Jolly Rogers (un brésilien, un espagnol… je dis ça je dis rien!). Comme ce dernier, Colosimo parvient à garder une totale lisibilité des cases grâce à une très grande maîtrise technique et une finesse du dessin que l’on devine sur certains arrière-plans et sur la physionomie des visages, tous très caractérisés. Comme on le dit souvent, seul un très bon dessinateur peut se permettre d’explorer l’explosion graphique, c’est le cas ici. Sur des tonalités improbables de jaune, orange et bleu-violet, avec des traits semblant venir de couteaux à peinture il conserve une profondeur de champ, un détail des décors et une gestion du mouvement proprement fascinants (comme ce lancer de balle jamais vu en BD…). Le tout donne une ambiance incroyable que certains pourront trouver artificielle, mais le fait est qu’artistiquement on est dans le très haut niveau et le pari (risqué) est réussi.
Et l’intrigue dans tout ça? C’est souvent le risque avec ce type de parti-pris expérimental. Heureusement le dessinateur n’est pas seul et a une scénariste relativement expérimentée pour cadrer le tout dans une intrigue à la fois simple, gratifiante en flattant l’imaginaire cinématographique du lecteur et étonnamment grand public. Ainsi l’histoire n’est pas à tiroirs mais se résume en une fuite des deux héros (réussis à la fois dans leur écriture et leur dessin) devant les vagues de mafieux envoyés les dessouder. A côté de cela l’enquête policière avance lentement avec deux poulets pas pressés d’aller farfouiller dans ce qui ressemble à une guerre des gangues. Si Ava Granger est un peu en retrait, le personnage le plus chouette est cet indien Navajo, sorte de Rambo moderne et aussi malin que beau gosse, autour de qui tout tourne. A se demander pourquoi il ne donne pas son nom à la série… Les archétypes 70’s sont là, à base de rouflaquettes, communautés hippies et voitures à la longueur infinie. On retrouve un peu l’esprit du chef d’oeuvre 2018 Il faut flinguer Ramirez avec un vrai gros plaisir de lecture, pour peu que l’on accroche au dessin. Et preuve de la volonté évidente d’aider le lecteur dans le suivi de l’histoire, Isabelle Mercier a ajouté des cases de narration qui nous rapprochent également du format polar. Ce n’était pas indispensable mais ajoute de la couleur de genre à une BD qui le respire.
Avec une intrigue qui n’ambitionne pas de révolutionner le genre mais assure le spectacle, notamment niveau action, et un dessin particulier mais terriblement lumineux et fascinant, Ava Granger est une belle réussite qui ressemble plus à l’expérimentation de vieux routier de la BD qu’à un premier album. Une des très très bonnes surprises de ce début d’année et peut-être l’une des BD (déjà?) majeure de l’année qui commence.
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https://etagereimaginaire.wordpress.com/2019/01/16/ava-granger-1/