L
e succès est un sacerdoce qui oblige certains à se renier. Peut-être pas par trois fois, mais suffisamment pour se retrouver seul avec leur conscience…
ZeroCalcare est un auteur adulé en Italie et curieusement encore trop discret en France ! Avec Au-delà des décombres, il revient sur la difficulté de conserver son intégrité face aux sollicitations auxquelles il est difficile de résister lorsqu’on ne sait pas dire non. Et puis, il y a les amis de toujours, enfin d’avant, qui faute d’avoir su saisir le dernier ascenseur social sont restés au rez-de-chaussée. Comme concilier l’inconciliable ? Est-il possible de les inviter à la maison puis de les mettre à la porte, le tout sans passer pour un gros réac ? Cruel dilemme qui pourrait paraître quelque peu nombriliste, voire futile, à ceux qui seraient hermétiques au second degré. Cependant, cette manière d'aborder les choses est l’occasion de passer en revue une certaine Italie et d’apprécier le regard sans concession que l'auteur pose sur lui-même comme sur ce et ceux qui l’entourent. Essayant tant bien que mal de trouver un compromis acceptable afin de composer avec le tatou qu’il a été et le panda qu’il voudrait devenir, il livre ses états d’âmes quotidiens sur sa peur de vieillir ou de (se) trahir.
ZeroCalcare n’est pas un scénariste de fiction mais un dessinateur au trait simple et corrosif issu des fanzines underground. La capacité à inventer des histoire lui faisant défaut, il excelle dans l’art de raconter celle des autres en évoquant la sienne et ce avec l’ironie et l’humour nécessaire à un minimum de distanciation.
Il est aujourd'hui l'auteur italien le plus populaire de bande dessinée. Il faut dire que un certain Kobane Calling a été un véritable succès en 2014. Depuis, ce sont les affres de la célébrité qui assaillent littéralement l'auteur. On le plaindrait presque pour cette situation malheureuse.
Il avait besoin de réaliser cette bd pour laver son sentiment de culpabilité vis à vis de ses amis qu'il a délaissé au profit de son travail d'auteur militant pour toutes les causes perdues. Du coup, il dresse un portrait de lui sans concession avec une grosse part d'autodérision. On aura droit également à la crise de la trentaine.
Honnêtement, les doutes de cet auteur m'ont laissé dans l'indifférence car il y a d'autres combats certainement plus méritant. Et puis, l'ambiance un peu punk ne suscite guère mon intérêt. Que dire également de l'abondance de dialogues ? Cela étouffe toute l’œuvre aussi sympathique soit-elle sur le fond et la forme.
Zerocalcare parle à travers cette BD autobiographique de son succès qui le dépasse et qui l'éloigne indubitablement de ses amis. Il raconte ses angoisses de trentenaire liées à cette impression qu'il a de ne pas évoluer depuis son adolescence, alors qu'il voit certains de ses amis se marier, avoir des enfants, projeter de s'installer ou de monter un projet professionnel ...
Un thème universel joliment traité, car si l'auteur le fait avec pudeur et sensibilité, il n'oublie pas non plus de manier avec brio l'humour décalé et second degré qui fait qu'on parcourt ce livre avec un large sourire aux lèvres, tout en s'attachant de plus en plus à sa personne à mesure qu'on lit ses ouvrages.