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irecteur exécutif détaché sur le terrain, François pensait avoir décroché la timbale en recevant cette promotion. Pensez-vous, organiser et gérer l’approvisionnement du coltan pour toute la compagnie, directement sur place au Kivu en République Démocratique du Congo. Une fois arrivé à Bukavu, la réalité va se révéler nettement moins stimulante. Corruption, abus et massacres, il pourrait se retrouver en fait à agir comme un acteur principal d’un des plus gros scandales industriels du XXIe siècle. Au milieu de ce chaos, quelques justes, comme les Dr Mukwege et Cadière, tentent de soigner les plaies et les âmes de ceux qui ont eu le malheur de croiser les forces de « contrôle » de l’exploitation de ce précieux minerai.
Jean Van Hamme sort de sa retraite et propose un récit cri du cœur oscillant entre documentaire et fiction. Peuplé d’archétypes (le héros-candide, le cynique revenu de tout, les jeunes victimes innocentes, les bons docteurs, etc.), le scénario n’est qu’un prétexte pour présenter et dénoncer le drame qui entoure la production des matières premières indispensables aux gadgets de la vie moderne. Si la lecture est édifiante et extrêmement documentée, elle se révèle rapidement rébarbative sur le plan dramatique tant les émotions sont surjouées et les rebondissements téléphonés. Cependant, grâce notamment à la très belle introduction signée par Colette Braeckman, le message passe et c’est bien là l’essentiel !
Pour illustrer ces événements durs et remplis de violences parfois insoutenables, Christophe Simon a choisi une approche ultra-réaliste. Le résultat est carré et aurait été presque impersonnel si ça n’avait été des protagonistes. Le dessinateur leur offre la part belle et les dépeint avec, certes, une précision toute photographique, mais également une humanité et un respect des plus déférents. Sur un autre plan, il est regrettable que si peu d’espace ait été laissée au cadre géographique. Les quelques rares vues panoramiques peinent à rendre l’immensité et la beauté de cette région si peu montrée que ce soit en BD que dans les médias.
Kivu ne changera sans doute pas beaucoup la situation tant les enjeux du coltan sont immenses. Par contre, l’album joue parfaitement son rôle de sonnette d’alarme et saura certainement éveiller les consciences dans le grand public.
Voici donc la fameuse histoire que Francq refusait mordicus de dessiner.
On se souvient en effet que c'est ce qui a mené à leur séparation sur Largo Winch, Van Hamme voulant envoyer Largo en Afrique pour lui faire vivre une aventure à la "blood diamonds" et Francq refusant catégoriquement sous le prétexte, curieux, que "l'Afrique génère trop de clichés".
Je dois dire que je suis partagé là-dessus. Mon avis c'est qu'il vaut le coup d'être lu mais il n'est au final pas aussi bon que je l'avais espéré en feuilletant quelques pages.
Avantage: l'histoire est solide et, comme d'habitude avec Van Hamme, très bien documentée. On en apprend beaucoup sur la situation au Congo et au Rwanda, sur les atrocités qui s'y déroulent et leur raisons profondes: derrière les terres rares et chères indispensables à nos objet high-tech se cachent des villages incendiées, des populations massacrées, violeés, réduites en esclavage, des multinationales corrompues et corruptrices, des chefs d'état fantoches, des sites surexploités dont la richesse ne profitera pas aux ethnies trop occupées à se faire la guerre, encouragées par ceux qui y trouvent leur compte.
Mais on découvre aussi des raisons d'espérer avec ceux qui ne cèdent pas à la corruption ou la haine comme ce commissaire de police intègre ou les soignants de l'hôpital Panzi. Et bien sûr, le formidable docteur Mukwege, personnage réél et reconnu pour son travail sur les victimes de mutilations génitales, auxquelles il apporte une aide tant médicale et psychologique que financière.
Rien que pour ça l'album mérite d'être acheté.
Maintenant les inconvénients: le dessin d'abord. Réaliste et détaillé (un peu surchargé même) il est très figé et surtout très mal découpé.
Je prends comme exemple les trois dernières case de la page 8 (= la page 14 de l'album), est-ce que vous trouvez que le déroulement de l'action est cohérent ? Moi je pige pas comment ce policier a pu se téléporter d'un endroit à l'autre. Entre autres.
Les dialogues ensuite, au moins en partie. Il faut reconnaître que Francq n'avait peut-être pas tort sur ce coup. J'ai rien contre les méchants tout méchant, les crapules sans scrupules et les saints sans nuances - on sait à quel point la réalité dépasse parfois l'affliction; mais généralement on évite quand même que le méchant dise explicitment "je fais des choses horribles" et le gentil "je suis révolté par ce méchant qui fait des choses horribles."
Enfin voilà, au final je donne 3/5 à cette bd.
C'est toujours bien de faire un album pour alerter l'opinion publique de ce qui se passe actuellement dans la région du Kivu. Il faut dire que c'est assez éloigné de nos préoccupations quotidiennes. Dans cette partie du monde se jouent des choses pas très catholiques entre corruption, multinationales et surexploitations des ressources de l'Afrique.
Le scénario est plutôt bateau et très convenu. Sur la forme, c'est plutôt catastrophique avec un personnage central non crédible et un dessin totalement figé style vieille école à la Jacques Martin. On ne peut faire pire à part et sans aucun doute du minimalisme...
Cependant, on lira cette bd pour se rendre compte de l'horreur absolue dans cette région minière du Congo jadis florissante. Les anciens génocidaires du Rwanda n'ont encore pas fini de semer la mort et la violence sous l'oeil complice de certaines diplomaties occidentales.
Province de Sud-Kivu (RDC), deux heures après le lever du soleil
Le colonel Ernest Malumba s'adresse à ses troupes qui vont attaquer un paisible village sans défense : « Les femmes et les gamines violées et mutilées devant leur famille. Les hommes à partir de douze ans faits prisonniers. Les mains coupées pour ceux qui résistent. Les bébés et les vieillards, brûlés dans leur cahute, morts ou vifs. »
Deux jours plus tard dans une capitale occidentale
Le directeur de Metalurco, grosse multinationale active, notamment, dans les métaux rares, s'adresse à François Daans, jeune ingénieur belge de 28 ans, quadrilingue et sorti ingénieur des mines de l'Université Libre de Bruxelles avec GRANDE DISTINCTION : « Notre… Ahem… Principal directeur de production, le colonel Ernest Malumba, est mort il y a deux jours dans l'exercice de ses fonctions. Je veux que vous lui trouviez un remplaçant. »
Critique :
Le scénario de van Hamme est solide comme un roc. L'homme sait y faire. Il est le scénariste le plus lu de la BD franco-belge. Il nous entraîne en République Démocratique du Congo dans une aventure pleine d'action (c'est du van Hamme, quoi !) mais qui repose, hélas, sur de bien tristes réalités. Vingt ans que les paisibles populations du Kivu subissent les exécrables exactions des groupes armés, bien souvent issus du Rwanda voisin, qui sèment le chaos avec à leur tête des « colonels » autoproclamés. Vingt ans que le monde entier s'en fout du sort de ces populations ! Une seule chose importe vraiment : l'extraction du coltan sans lequel nos GSM et autres smartphones auraient du mal à fonctionner. D'ailleurs, au Kivu, il y a bien d'autres richesses, mais aucune ne profite à la population, bien au contraire, ce sont ces fichues richesses qui attirent le malheur sur leurs têtes.
Mais à côté de ces individus crapuleux, on trouve des êtres exceptionnels qui, au péril de leur vie, tentent de sauver des existences et de réparer les atrocités causées par des pousse-au-crime qui terrorisent leurs propres troupes qui comptent un nombre important d'enfants soldats. C'est ainsi que dans la BD, on découvre le travail du célèbre docteur congolais Denis MUKWEGE, chirurgien gynécologue, fondateur et directeur médical de l'hôpital de Panzi au Sud-Kivu, l'homme qui « répare les femmes ». Autre personnage, bien réel, Guy-Bernard CADIÈRE, professeur de chirurgie à l'Université Libre de Bruxelles est l'un des inventeurs de la chirurgie minimale invasive. Il opère régulièrement avec le docteur Mukwege à Panzi.
Un petit mot à propos de Christophe SIMON, le dessinateur qui, bien qu'encore jeune, s'est déjà illustré en reprenant dans plusieurs albums les personnages de Jacques Martin : Orion, Lefranc, Alix. Il a mis la main à la pâte pour Corentin… Bref, un homme qui a déjà fait ses preuves et qui, ici, crée ses propres personnages pour un « one shot ».
Ma seule déception concerne la mise en couleurs d'Alexandre Carpentier qui date d'un autre âge. de grands aplats d'une seule couleur…
Cette bande dessinée, pleine d'action, est aussi un reportage, un témoignage… A lire absolument si l'Afrique, l'actualité, les conflits contemporains vous intéressent, ou tout simplement l'action !
Le sujet nous plonge dans ce Congo affreux où la violence est omniprésente et où les populations souffrent. Très bon sujet d'actualité.
Cette BD m'a fait penser aux histoires que je lisais dans les revues de BD des années 60/70 et leurs volontés éducatives et d'ouverture sur le monde. C'est du travail très soigné et pour tout public (7 à 77 ans!).
La BD devient parfois un formidable outil d'éducation, d'information, de découverte. Comment appeler ce type d'album ? Reportage, document, manifeste, cri de révolte ? Bien évidemment, demander un scénario à Van Hamme est la meilleure façon d'être sûr de toucher le lecteur. Une situation lointaine vaguement entendue aux infos, une région qui n'était qu'un nom, un prix Nobel de la paix vite oublié dans le flot des évènements du monde. Et puis là, un livre, et tout ça prend corps, devient réalité. Une réalité terrible. Servi par un dessin à la hauteur. Bravo pour ce formidable album témoignage !
J'avais un apriori négatif sur cette bande dessinée, sans doute en raison d'un dessin daté trop années 70, à mon goût et d'un scénario que je pensais être beaucoup plus centré sur le personnage de Denis Mukwege, qui sera désigné comme "prix Nobel de la paix 2018"
Finalement, j'ai passé un agréable moment de lecture même si l'histoire est tout de même assez dure et cruelle. Je regrette juste que la préface de Colette Braeckman fasse un peu redondance avec la présentation que l'on fait de l'économie du Congo à notre ingénieur des mines, dans les premières pages de la bande dessinée.
Sinon, Van Hamme nous livre un scénario béton, qui allie aventures et guerre économique, sujets de prédilections pour lui,
Le tout sur un fond social et politique très instructif. J'ai appris pas mal de choses en lisant cette bande dessinée, et pas seulement l'existence du fameux docteur Denis Mukwege !
Bref, une très bonne surprise.
Plus un documentaire choc qu'une BD.
Un livre sur cette région de l'ancien Zaïre qui a toujours subie les excès / ravages de la mondialisation : bois, puis caoutchouc, puis actuellement les métaux rares...
Ajouter à cela, que cette région est excentrée dans l'immense République Démocratique du Congo, et à comme voisin un petit pays "prédateur" appelé Rwanda à la recherche de terres et de richesses...
Vous obtenez l'enfer sur Terre et certainement une des régions la plus inhospitalière au monde.
Un livre hommage aux victimes des atrocités commises par les groupes armées (soutenues par certains gouvernements et certaines multinationales) et un livre hommage également aux hommes et femmes qui essaient de "réparer", de répandre le bien dans cet endroit où la cruauté et la loi du plus fort règnent.
Un BD rare, à lire absolument et à partager autour de vous.
C'est un témoignage sur ce qui se passe actuellement dans certaines région du Congo et dont on ne parle pas assez. Et il faut que cela cesse.
En plus Van Hamme nous raconte cette histoire avec un scénario de haute volée et Simon nous la met en scène avec un très grand talent.
A lire , tout simplement.
Une bd engagée, j'ai été agréablement surpris par le sujet et je ne suis pas déçu. Beaucoup de choses à apprendre encore de Kivu.