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ébut du XIIIe siècle, quelque part en France. Colas, un jeune garçon, pense avoir été choisi par Jésus pour aller reprendre Jérusalem. Fort de cette expérience mystique, il réunit et convainc les enfants de son entourage à partir en Croisade vers l’Orient. Remplie d’espoir, mais surtout las de la misère et de la faim, c’est toute une troupe qui se met en branle sur les routes.
Chloé Cruchaudet a repris à son compte la croisade des enfants de 1212 pour nourrir La croisade des innocents. Plus qu’une recréation à volonté historique, l’album propose un récit profondément touchant à propos de la candeur et de ses limites. Grâce à une distribution pléthorique, l’auteure explore également de nombreux autres sujets aussi bien contemporains qu'universels, comme le féminisme ou la pauvreté, par exemple. L’histoire est donc très riche, peut-être un peu trop. En effet, à force de multiplier les thématiques, aucune d’entre-elles ne s’avèrent complètement abouties. La lecture souffre également de cette générosité, des personnages apparaissent et disparaissent un peu au hasard pour mieux revenir plus tard, sans que l’on sache vraiment ce qu’il leur est arrivé. En résumé, les évènements s’enchaînent et se suivent, mais peinent à former un ensemble totalement homogène.
Sombre et grave, la dessinatrice déploie tout son talent pour retranscrire la noirceur de ce Moyen-Âge sans pitié pour les plus faibles. Elle laisse néanmoins exploser sa tendresse quand il s’agit d’animer ces gamins. Derrière la crasse et les pleurs se cachent des bouilles toutes plus gentilles l’une que l’autre. Même si les temps sont durs, il y a toujours quelques instants pour être un enfant qui veut simplement aimer et être aimé.
Le Moyen-Âge est à la mode ! Après L’âge d’or, La passion des Anabaptistes et Stupor Mundi, La croisade des innocents tente à son tour de décrypter cette période finalement mal connue. Malgré un scénario un peu fluctuant sur la longueur, Chloé Cruchaudet réalise un ouvrage d’une sensibilité remarquable finement mis en scène.
Le début m’a paru très difficile à supporter avec ce frère qui jette sa petite sœur dans l’auge des truies qui vont n’en faire qu’une bouchée. Cela m‘a paru assez dur de la part d'un enfant de faire une telle chose à sa petite soeur. Ce n'est point de la bienveillance. D'autres diront qu'il ne la pas fait exprès mais il l'a bien poussé après lui avoir arraché un morceau de pain de sa main.
En effet, cela ne m'a pas permit du tout de me familiariser avec un oeil sympathique pour ce garçon qui va jouer par la suite les prêcheurs. Certes, la petite soeur sera à nouveau de la partie alors que tout le monde la croyait morte. Un effet de manche de la part de l'auteur.
Ce même garçon qui fuit alors sa famille voit le Christ sous une épaisse couche de glace. Ce dernier lui dit d’aller délivrer son tombeau à Jérusalem. Nous voilà par la suite avec une tentative de croisade menés par des enfants assez motivés pour fuir la misère de l’époque.
La fin sera expédiée assez rapidement alors qu’il y avait tout un cheminement composé de bavardages incessants. J’avoue ne pas y avoir pris plaisir à la lecture. Cependant, c’est toujours intéressant d’un point de vue historique de voir comment une cause peut donner des ailes même à de simples enfants miséreux. La religion est bien l’opium du peuple.
A noter que le sujet n’est pas nouveau. Voir La Croisade des enfants.
Chloé Cruchaudet, c'est la génialissime auteure de Mauvais Genre que j'avais adoré! Alors quand sur les blogs se sont mis à fleurir des chroniques plutôt positives sur La croisade des innocents, je me suis dit qu'il fallait absolument que je le lise. Le temps est passé et finalement, j'ai enfin réussi à me procurer le graal.
Après autant d'attente, forcément, je ne sais pas vraiment à quoi je m'attendais mais pas à ça... Le scénario narre l'histoire de Colas qui , après avoir eu une vision, emporte dans son sillage une centaine d'enfants ayant pour objectif de délivrer le tombeau de Jésus. Au départ, la ferveur est réelle mais les troupes deviennent nombreuses et pas facile pour des enfants de survivre dans ce périple. Les embûches se multiplient et Colas doute. Le début du roman graphique m'a plu. J'ai d'emblée adhérer à la cause de Colas qui vit une véritable souffrance. Mais, au fil des pages, mon enthousiasme a diminué. Je me suis ennuyée et j'ai trouvé que l'ensemble manquait de rythme, de rebondissements. Cette croisade ne m'a donc pas passionnée et j'ai eu un peu de mal à terminer ma lecture.
Les personnages sont en majorité des enfants dont le centre est Colas. Ce dernier est vraiment double. Il peut être capable du pire comme du meilleur. D'ailleurs, les premières planches, ne le mettent pas en valeur. Il prend de l'importance lors de sa vision et se laisse emporter dans un énorme mensonge. Tout le long du récit, Colas oscille entre culpabilité et appât du gain. C'est un personnage vraiment complexe.
D'un point de vue esthétique, Chloé Cruchaudet a opté pour toute une palette de gris qui donne de très jolies nuances à l'ensemble. Le trait est fin et délicat. L'ensemble est poétique et l'accent est mis sur les personnages plus que sur les décors. Il y a une ambiance particulière qui se dégage donc de cette BD.
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J’ai commencé cet album avec envie mais j’ai vite été gagné par un ennui profond et une morosité tenace. C’est glauque, gris, répétitif, sans relief… Bref, je l’ai trouvé complètement raté.
Qu’a voulu dire l’autrice ? Pas la moindre idée. "La candeur et ses limites" comme le dit le chroniqueur ébaudi ?.. Oui mais ça ne fait pas un album, ça ; en tout cas pas de cette façon. Personnellement je n’ai pas ressenti la moindre empathie pour ces enfants qui ne sont pas candides pour deux sous. Ils sont juste confrontés à des adultes abrutis et caricaturaux. Leur "innocence" ne suscite ni poésie ni émotion. C’est trop terne, trop creux ; comme si Chloé Cruchaudet elle-même était indifférente à ses personnages auxquels elle n’a donné ni profondeur, ni personnalité. Il fallait sans doute un peu plus d’ambition pour élever cette fable au rang de parabole.
C’est d’autant plus dommage que le potentiel est là, palpable. L’errance de ce troupeau de mômes déguenillés est une image forte qui frappe l’imagination, mais le récit passe sans cesse à côté et retombe dans le terre-à-terre sans intérêt. A aucun moment le lecteur n’est saisi par un souffle épique, à aucun moment il n’est questionné par le sens de cette croisade dont la fin, chaussée de gros sabots, est évidemment prévisible.
Visuellement, c’est heureusement beaucoup mieux et certaines cases sont superbes. Mais si le langage graphique fonctionne, il n’est pas mis au service de l’histoire. L’esthétique semble gratuite, sans parti pris, pas même dans les décors quasi inexistants, qui réduisent bien trop souvent les personnages à de simples silhouettes sur fonds neutres.
Je n’ai rien contre Chloé Cruchaudet mais je pense pour l’instant qu’elle est surestimée.
Chloé Cruchaudet est une autrice tout en sensibilité qui est parvenue par ses précédents albums à nous parler de sujets très originaux avec beaucoup d'imagination graphique et scénaristique (je pense à Mauvais genre et Groenland-Manhattan), avec une technique mixte traditionnel-numérique. Assez conquis par cette artiste je me suis lancé dans son dernier album... qui m'a beaucoup surpris par con côté sombre. D'abord par le thème, celui d'enfants malmenés par la vie rude du Moyen-Age, entre imaginaire juvénile et impossibilité de rester enfant bien longtemps face aux exigences de la vie. Ensuite par le parti-pris graphique, un lavis gris, quasi monochrome qui nous fait plonger dans une sorte d'hiver sans fin. L'album qui nous relate la croisade des enfants est découpé en quatre saisons mais ce récit de voyage paraît ne s'enfoncer que vers le crépuscule. Je ne sais si l'album reflète l'état d'âme de Cruchaudet lors de sa réalisation mais je trouve dommage que son talent et sa capacité visuelle soit aussi ternie. Sur Mauvais genre, album très gris également, des touches vives venaient renforcer la partie graphique, ce que nous n'avons pas ici. Bref, le sujet pourra intéresser mais visuellement elle aura fait mieux.
Lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2019/01/26/bd-en-vrac-2